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Arno B

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INTERVIEW ARNO B

@pascalbagot

Spécialisé dans l’horreur, le tatoueur français Arno B, installé dans une petite commune de Moselle dans l’Est de la France, s’éclate dans des compositions riches en textures et en détails morbides. Entre références aux vieux films d’horreur et à la culture metal, ses cauchemars tirent leur force d’un réalisme bluffant, style dans lequel le tatoueur a longtemps fait ses armes et rôdé sa technique.

Salut Arno, tu vas bien ? Peut-on commencer par une petite présentation stp ?

Bonjour, moi c’est Arno (mon blaze est Arno B) j’entame ma 16e année de tattoo. J’ai travaillé dans différents shops où j’ai appris beaucoup, puis je suis parti sur la route découvrir d’autres horizons et continuer mon évolution artistique. J’ai ensuite ouvert mon premier shop Dark Experience sur Metz et une crise sanitaire plus tard j’ai ouvert mon shop privé sur Creutzwald (57). En parallèle j’adore bouger en convention un peu partout, c’est toujours enrichissant !

Creutzwald, une commune de Moselle avec laquelle on est peu familier. Comment se passe la vie là-bas ? J’imagine que tu as pas mal de clients Allemands ?

Pour être franc j’ai posé mes valises ici suite à l’achat de ma maison, un peu par hasard. Mais, avec le recul, je me dis que c’est une ville proche de tout, entre Metz et Strasbourg, à cinquante minutes du Luxembourg, une heure de la Belgique et je suis frontalier avec l’Allemagne. En gros, j’ai plein de salles de concerts dans le coin et ça, ce n’est pas négligeable ! Niveau clientèle, j’avoue avoir plus de Belges que d’Allemands. C’est d’ailleurs la prochaine étape : conquérir un clientèle allemande qui, je le sais, apprécie le style dark.

Tu nous parles un peu de ton parcours jusqu’au tattoo ?

Je suis devenu tatoueur l’année de mes 30 ans. À la base, j’ai un BTS en conception de produit industriel. J’ai travaillé un an et demi en bureau d’études automobile. J’ai fait l’armée et dix ans comme chef d’équipe à la SNCF avant de finir cadre. Ensuite, j’ai commencé mon apprentissage de tatoueur en shop. Je suis arrivé dans ce milieu après une expérience décevante et un tatouage raté réalisé en souvenir pendant un voyage. En voyant le résultat, je me suis dit : si ce mec vit de son `art` je peux largement faire mieux ! J’ai donc démarché des shops et découvert les conventions afin de me familiariser avec les us et coutumes. Ce fût le déclic. J’ai alors mis les bouchées doubles pour décrocher un poste d’apprenti.

Tu as toujours dessiné ?

J’ai toujours aimé dessiner mais, malheureusement, mes parents m’ont poussé à faire du dessin technique pour apprendre un ‘vrai métier’. Ce qui a eu pour effet de me détourner du dessin artistique pendant des années. Je m’y suis remis pour mon book afin de trouver un apprentissage en shop.

Quel est ton environnement graphique et artistique ?

Bonne question. Selon les époques, je suis passé du graffiti /rap au death metal. Mais, je suis installé depuis très longtemps dans le morbide.

Tu nous parles plus précisément de l’influence de la culture metal sur toi ?

Étant musicien à la base, j’ai toujours évolué dans ce milieu. J’ai découvert des groupes simplement parce que j’aimais leurs pochettes d’album. Je trouve que le tattoo et la musique rock métal sont assez proche d’un point de vue culturel et d’ailleurs, je remercie mes anciens collègues musiciens qui sont devenus mes premiers cobayes. Je ne suis pas illustrateur mais je suis souvent sollicité pour faire des logos de groupe, des affiches de festival, des pochettes d’albums. Cela m’éclate et boucle la boucle en quelque sorte.

Tu travailles au coeur de l’horreur, quelles sont tes références dans ce monde là ?

Je suis fan des vieux films d’horreur et fantastique, des trains fantôme et des vieux cirques.

En parlant de fantastique, que l’on retrouve entre autres dans tes compositions avec les mâchoires et les tentacules, des oeuvres t’ont marqué en particulier ?

Beaucoup de gens pensent que je suis fan de Lovecraft mais j’ai découvert cet univers très récemment, suite à des remarques de clients. Mon maître incontournable reste l’artiste suisse HR GIGER (créateur notamment de la créature Alien). J’utilise les motifs de mâchoires et les tentacules parce qu’ils marchent bien ensemble et donnent de la dynamique aux tattoos.

Où vas-tu chercher les textures que tu aimes travailler ?

Les influences sont vraiment variées. Cela peut être par exemple la texture vue sur le tatouage d’un autre artiste. Certaines deviennent presque une signature de leur travail. Cela me pousse à chercher à comprendre, à analyser la manière dont la texture est réalisée. Mais, en général, je m’inspire de tout, que ce soient des racines d’arbres, de la roche, etc. Les influences sont infinies. J’adore visiter des aquariums et prendre des photos de toutes les bestioles un peu hors du commun que l’on y voit.

Tu te mets des limites en terme de réalisme ?

J’ai bossé plus de sept ans en faisant essentiellement du réalisme. J’essaie ainsi d’incorporer les codes et les techniques dans mes créations actuelles, même si elles s’inscrivent plus aujourd’hui dans une sorte de surréalisme.

Où se trouve la balance entre l’horreur et le cool ?

L’horreur c’est toujours cool en tattoo. On peut imaginer des tattoos complètement dingues et c’est sans fin.

Quels sont les maîtres (artistes, tatoueurs, etc.) chez qui tu aimes revenir pour trouver de l’inspiration ?

Wahou la liste est tellement longue , je vais faire une petite liste et pardon à ceux que je nomme pas : HR GIGER, Beksinski (peintre polonais), Mr Dist (@mrdist), David Jorquera (@david.jorquera), Edgar Marquez (@ediablo), Miguel Camarillo (@miguelcamarillo), Victor Portugal (@victorportugal), Brandon Herrera (@brandon_herrera), entre autres.

Sur ton compte instagram il est marqué « dark free hand ». Tu travailles donc exclusivement en free hand, pourquoi ?

Oui, exactement. J’essaie de travailler au maximum en ce sens. Je trouve le concept intéressant et beaucoup plus harmonieux avec le corps. Chaque morphologie est différente, c’est un bon exercice d’adaptation.

Vu de loin c’est un travail de haute concentration. Et en réalité ?

Généralement, mon client arrive le matin. On passe du temps à discuter du concept, on peaufine les détails, je gribouille sur un feuille pour valider le projet ou directement sur la peau. Cette étape peut parfois prendre 1h15 au feutre avant de commencer à encrer. Pendant ce lapse de temps je pense déjà aux textures, aux ombres projetées, aux premiers plans. Je reste concentré tout le temps du tattoo mais la convivialité est de rigueur. Je souhaite que l’expérience soit la plus confortable possible pour mon client, malgré la douleur. J’aime faire de longues séances, cela me permet d’être focus sur le tattoo et d’avancer concrètement.

Cela demande aussi du temps, comment appréhendes-tu ce facteur ?

Au préalable, je fais des recherches sur les détails, je dessine et je teste de façon succincte des angles, des mouvements. Il n’y a pas de secret, il faut des heures à étudier, tester, dessiner et à recommencer pour faire évoluer mes tattoos. C’est valable pour tout, tout le monde et tous les milieux. On apprend tous les jours avec ce métier et c’est trop bien ! + @arno_b_ink