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Baxter

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INTERVIEW BAXTER

@pascalbagot

À contre-courant de la mode actuelle qui fait pousser les ateliers privés comme des champignons, Baxter, tatoueur à Rouen, a fait le choix d’ouvrir son shop avec pignon sur rue. Il fait ainsi le pari de la disponibilité pour ses clients. Ils sont ainsi libres de pousser la porte et de venir évoquer leurs projets Néo Traditionnel avec lui. Un style que Baxter apprécie pour sa richesse, entre références à l’Art nouveau, réalisme et occultisme

Salut, on commence par une petite présentation ?

Moi c’est Franck, tatoueur à Rouen en Normandie, « spécialisé » en Néo Tradtionnel mais j’aime tatouer pas mal de trucs aussi.

Ton blaze il vient d'où ?

Il vient du film « Baxter » réalisé en 1989 par le Français Jérôme Boivin. Un film qui m’a marqué, sûrement parce que j’étais trop jeune pour le voir. Dans ce long métrage, le personnage principal est un chien, un bull terrier qu’on entend penser comme un humain et avoir des réflexions sur le comportement des gens. J’ai du mal à comprendre le monde qui m’entoure donc le personnage m’a parlé, et puis Baxter ça se retient bien.

Depuis quand dessines-tu ?

Je dessine depuis l’âge de pouvoir tenir un crayon. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé ça, passer des heures dans ma chambre pendant que les autres jouent dehors. Autant dire que je n’écoutais pas grand chose à l’école et que mes cahiers étaient remplis de dessins.

Tu viens au tatouage par amour de l'illustration ?

Oui, c’est ça. En commençant par me faire tatouer moi-même mais aussi parce que mon arrière grand père en avait quelques uns. Ils me fascinaient. Après avoir effectué mes premières conventions comme visiteur, j’ai compris que c’est ce que je voulais faire.

Tu nous parles des tatouages de ton arrière grand-père ?

Il avait un papillon sur l’avant-bras, qu’il devait tendre avec sa main car sa peau était fripée (tires), un truc de voleur apparemment (en argot du voyou, il signifie : « comme lui, je vole »). Ça ne m’étonne pas ! L’autre dont  je me souviens était un fer à cheval avec une tête de canidé au centre. Mais c’était de la belle bousille, sûrement faite par des potes avec des aiguilles. Je voulais avoir les mêmes ! Aujourd’hui, je trouve ces tatouages plutôt cool, ça raconte un vrai truc. À l’époque ils n’étaient pas faits pour être stylés !

Graphiquement, il y a des choses qui t’ont orienté plus que d’autres ?

Ma culture graphique est assez large dans le sens où j’aime beaucoup de choses : la peinture, les sculptures, la photographie, tout est source d’inspiration. J’observe beaucoup ce que font les autres, même si j’essaye de m’en détacher pour ne pas perturber ma propre inspiration. Mais c’est loin d’être facile…

Tu as toujours fait du néo-trad ?

Non, quand j’ai commencé il fallait faire un peu de tout donc, du tribal, du tatouage à graphisme polynésien, du bio organique, du lettrage, etc. Quelques années plus tard j’ai découvert le travail d’Eckel, le créateur style néo-trad. Avant lui c’était soit du traditionnel, soit du réalisme. Il a fait la synthèse des deux. Je n’avais rien vu de tel jusque là et cette découverte a agit comme une révélation. C’était ce que je voulais faire depuis le début sans le savoir (rires).

Comment travailles-tu tes compositions ? Avec une grosse base de données dans laquelle tu viens piocher selon les demandes des clients ?

Oui je fouille sur des bases de données et des dossiers où j’enregistre tout un tas d’images qui m’inspirent. Je cherche en fonction des demandes mais surtout les zones du corps. Le plus beau tatouage du monde, s’il est mal placé sera inévitablement un échec, de mon point de vue, donc s’adapter à la morphologie de chacun cela paraît essentiel.

Tu préfères plutôt travailler en couleurs ou en noir et gris ?

J’aime les deux. Enfin, je préfère le noir et gris maintenant, car les nouvelles encres « reach » conformes aux nouvelles normes européennes, et dont j’ai testé les couleurs, ne me plaisent pas vraiment. C’est trop liquide, il n’y a pas assez de pigments, etc. Mais, à la base, j’aime bosser en couleurs aussi.

Il y a beaucoup de portraits de femmes dans tes pièces, c'est un sujet que tu apprécies ou c'est ce que l'on te demande ?

C’est un sujet que j’apprécie, sans vraiment savoir pourquoi. J’aime travailler en dessin les visages, les expressions, les mains féminines, les bijoux. Cela doit venir de l’art Nouveau dans lequel on les trouve beaucoup représentées. Ces motifs collent assez bien au style neo-trad. Et forcément, plus j’en fait plus on m’en demande. Mais j’aime aussi beaucoup travailler les sujets masculins, les fleurs et les animaux.

Tu évoques l'Art nouveau, quelle influence ce courant a-t-il eu sur toi et pourquoi ?

Il est se prête très bien au tatouage, avec de grosses lignes extérieures et des aplats de couleurs très contrastés. Les formes, les volumes qui y sont utilisés s’adaptent très bien au corps humain, on peux donc poser très facilement de l’art nouveau sur une morphologie, quelle qu’elle soit. D’ailleurs, certains tatoueurs spécialisés dans le néo-traditionnel évoluent, ils appellent cette progression « néo nouveau » en référence à ce courant artistique.

Quels types de projets apprécies-tu particulièrement ?

J’aime bien avoir de la place sur la peau et que l’on me laisse libre de travailler. Sans pour autant avoir carte blanche, il faut un échange avec le futur tatoué. J’aime quand c’est dynamique et que ça se pose bien sur le corps, que le tattoo suive les courbes - au risque de me répéter. J’aime quand quelque chose se dégage du dessin, que cela percute l’œil et quand le motif a du caractère, du contraste. Sinon, j’aime aussi tout ce qui touche à l’occulte, porteur d’une part d’ombre ou de noirceur, mais dans la douceur.

Quels tatoueurs et tatoueurs regardes-tu en particulier ?

Les références françaises en tatouage qui m’inspirent dans ce que je fait sont en Preums : Le grand @leguyt_tattoo évidemment ; Ariane (@ariane_tattoo), Kabe (@kbn.sensibilitey), Cécile Colomer (@ccyle) et beaucoup d’autres que je vais regretter de ne pas avoir cités, à l’international. Comme Eckel (@_eckel) en premier depuis toujours! C’est lui qui me recentre quand je m’égare par son efficacité dans la simplicité. Mais aussi Jeff Gogue (@gogueart), Justin Hartman (@justinhartmanart), Karlos (@karloslloydtattoo), Fibs (@fibs_),  Jacob James Gardner (@jacobjgardner), Lord Lips @lord_lips.

Tu es peu présent sur Instagram, il y a une raison à cela ?

J’ai été beaucoup plus présent mais j’ai une relation conflictuelle avec ce réseau social. C’est très pratique, on peut suivre beaucoup de monde et avoir un œil sur le monde du tatouage en même temps que suivre ses évolutions. Mais j’ai une fâcheuse tendance à l’insatisfaction et à comparer mon travail à celui des meilleurs. Inévitablement, je me dévalorise et cela a tendance a me déprimer. Avant pourtant cela avait pour effet de me booster. Et puis, je ne comprends pas ce besoin de s’afficher, de raconter sa vie pour gagner des abonnés, créer du drame. Ce n’est pas comme cela que je considère mon job, alors je prend mes distances.

Beaucoup de tatoueurs se plaignent aujourd'hui d'une baisse d’activité. Comment cela se passe pour toi et les autres professionnels dans ton studio Dark Door Tattoo ?

Pour le moment, je ne la ressens pas, mais je sais que cela va arriver. Je pense que l’on a atteint le point culminant du nombre de tatoueurs. On a dépassé le ratio tatoueur/tatoués et cela a pour conséquence de rendre le partage du gâteau encore plus difficile. Ça et peut être aussi la fin d’un gros effet de monde, comme a pu connaître le monde du piercing entre 2010 et 2015. Mais avec mes collègues @dam.bledore et @siaan_ttt on ne va pas se laisser faire ! (Rires).

Ton shop vient d'ouvrir, en octobre dernier. Pourquoi choisir d'avoir pignon sur rue quand la plupart des tatoueurs fonctionnent en atelier privé ?

On avait envie de pouvoir discuter en tête à tête avec les gens de leurs projets. Le fait qu’ils puissent passer directement, je crois que ça les rassure aussi. Et puis, selon moi, avoir son petit succès sur les réseaux sociaux cela ne dure qu’un temps et qu’il est compliqué de fonctionner en privé sur le long terme. Mais je me trompe peut-être.

Qu'est-ce que l'on te souhaite pour cette nouvelle aventure ?

D’avoir du temps pour retrouver l’envie de créer des choses, de dessiner, de peintre, d’évoluer et de proposer des dessins à adopter en tatouage. Faire évoluer ma manière de dessiner aussi, apprendre, progresser et continuer d’aimer ce que je fais. Merci à vous pour l’interview, à toi et à Dimitri. + IG @the.baxter IG SHOP @dark_door-_tattoo