Inkers MAGAZINE - Alex Dupuis

>MAGAZINE>Portraits>Alex Dupuis

Alex Dupuis

Partager

INTERVIEW ALEX DUPUIS

@pascalbagot

Élevé entouré des illustrations présentes sur les pochettes des disques de ses parents, eux-même tatoués, Alex, 40 ans et originaire de Trois-Rivières au Canada, a rapidement su qu’il passerait lui aussi sous les aiguilles. Ce n’est qu’en chemin qu’il a découvert sa véritable vocation : devenir lui-même tatoueur. Une décision sur laquelle il n’est jamais revenu, malgré un accident qui aurait pu le faire abandonner. Mais, bien entouré et avec un moral d’acier, Alex a retrouvé la voie des studios, celle d’Obake, son atelier privé situé dans la ville de Québec tattoo, mais aussi d’Imago tattoo à Montréal.

Tu as toujours dessiné?

Aussi loin que je me rappelle j’ai toujours dessiné. À l’école j’étais toujours celui qui dessinait pour tout le monde, je reproduisais des personnages de bandes dessinés tout jeune et perfectionnais ma technique en imitant les grands dessinateurs.

Quelles sont les références graphiques avec lesquelles tu construis ta culture artistique?

Enfant j’adorais la bande dessinée et les illustrations des albums de musique rock que possédaient mes parents. Je trouvais les images fascinante par leur complexité et les sujets surréaliste. Plus tard, j’ai découvert des peintres de sujets plus fantastique comme Boris Vallejo et Julie Bell dans les livres de Dungeons & Dragons de mes amis et leur technique d’illustration m’impressionnait par le niveau de détail, je me suis mis à dessiner des créatures de toute sortes, dragon, squelettes, animaux mythiques.

Une iconographie qui faisait aussi partie du milieu du tatouage. Tu nous racontes comment il arrive dans ta vie ?

Je dessinais pour mes amis qui aimaient mes idées surréaliste et puis sont arrivées des commandes pour des motifs de tatouages. À l’époque on trouvait peu d’illustrateurs chez les tatoueurs et il fallait choisir dans les vieux livres de flashs que possédaient toutes les boutiques. Je ne pensais pas faire carrière dans ce milieu au départ, bien que j’aimais le look des tattoos. Mes parents étaient par ailleurs eux aussi tatoués et toute les vedettes de musique rock que j’écoutais en portait donc je savais que j’allais finir par en avoir aussi. C’est ce qu’il s’est passé. Et puis à force de donner mes dessins j’ai eu le goût à mon tour de m’essayer. Cela tombait plutôt bien puisque la qualité de tatoueurs autour de moi laissait à désirer. Aussi, j’ai réalisé que j’avais envie de faire ma place dans ce monde qui commençait alors à gagner en popularité.

Si dans le passé tu t’es consacré au new school, tu évolues maintenant sur une palette de styles assez large. Comment s’est faite cette évolution ?

Le new school était le style qui m’intéressait le plus au début et qui se rapprochait au plus près de mes illustrations cartoonesques. Cependant, j’ai toujours aimé explorer différents styles et apprendre à maîtriser le plus de techniques possibles. Je voulais être être un tatoueur versatile capable de m’adapter à toutes les demandes. Maintenant, avec plus de maturité, j’essaie de moins m’éparpiller et de construire une identité visuelle personnelle.

Comment la décrirais-tu ?

Je dirais un mélange illustratif entre le new school et le neo-traditionnel. J’aime bien aussi ce qu’on appelle le neo-japonais, qui reprend les sujets du tatouage japonais traditionnel mais avec une approche plus « new school ».

Un bon tattoo c’est d’abord un bon échange avec son client?

J’aime travailler les projets que m’apportent mes clients. La plupart viennent me voir car ils apprécient ma façon de traiter les couleurs et de mettre en image leurs idées. J’ai une imagination assez vaste et j’aime proposer des créations qui sortent de celles que l’on voit habituellement. Bien que je sois toujours partant pour donner ma version de motifs plus traditionnels du tatouage.

En 2022, un accident de voiture t’a privé de l’usage de ta main. Comment vit-on un épisode aussi difficile que celui-ci ?

Mon accident de voiture est arrivé à un moment de ma vie où ma carrière allais très bien. J’avais plusieurs beaux projets en vue, dans mon travail mais aussi avec mon groupe de musique. Cela fût assez difficile moralement car cela m’a pris beaucoup de temps pour récupérer. D’autant plus que j’ai appris qu’une rupture des nerfs de ma main gauche allait m’handicaper pour le reste de ma vie probablement. Par chance, j’ai été entouré de personnes positives qui m’ont aidé à persévérer et à garder la tête haute face à cette épreuve.

Tu as pensé arrêter de tatouer ?

Les médecins m’ont demandé pendant ma réadaptation si j’avais d’autres options professionnelles que le tatouage mais dans ma tête il n’a jamais été question d’abandonner mes clients et tout le travail que j’avais entrepris depuis toutes ces années. J’étais convaincu que j’allais trouver une autre façon de tatouer, c’était une question d’adaptation. Par contre, j’ai du faire en partie mon deuil de la musique, qui était ma deuxième passion.

Tu as complètement arrêté ?

J’ai tranquillement recommencé à pratiquer la basse mais j’ai dû changer de main et trouver une façon de jouer avec une orthèse (appareil orthopédique destiné à soutenir une fonction locomotrice déficiente et fixé contre la partie atteinte, ndr) car ma main reste incapable de faire plusieurs mouvements. C’est un défi de plus mais la musique est trop importante pour pour l’abandonner.

Quels enseignements tires-tu de cette expérience maintenant qu’elle est derrière toi ?

J’ai surtout appris à ne rien prendre pour acquis mais aussi que la détermination est essentielle quand il s’agit d’atteindre nos buts. J’ai du réapprendre à faire tout avec une seule main et à modifier ma façon de travailler. Je retiens que rien est impossible et qu’il faut être patient, ne pas abandonner au premier obstacle.

Comment cela se passe pour toi depuis ?

Tous les jours j’essaie de repousser mes limites et de continuer à m’améliorer. Cette pause m’a permis de prendre du recul sur mon activité et d’améliorer ma technique. Je recommence aussi à faire des conventions cette année. J’attendais d’être à l’aise pour reprendre de longues heures de travail car, malgré tout, j’ai encore des limitations et il est important de ne pas brûler les étapes. Mais j’ai de la chance parce que mon entourage m’encourage beaucoup et j’ai des clients en or qui ont su être patients et continuent de me faire confiance pour mettre en œuvre leurs idées de tatouages.

Tu parlais des disques de tes parents en début d’interview, quelle est ta culture musicale ?

La musique rock, autant la culture punk que métal, fait partie de ma vie depuis mon enfance et a influencé mes goûts artistique. Mais je suis ouvert et j’écoute plusieurs autres styles en fonction de ce que je suis en train de faire et de mes humeurs. La beauté dans l’art visuel tout comme la musique est sans limite et tous les jours je continue de découvrir plein de bons artistes qui me font progresser et me pousse à me surpasser. + IG : @alex_d_tattoo