Originaire de Montréal, au Québec, Guy Antoine Blais, âgé de 35 ans, est un tatoueur épanoui. Entré dans l'univers du tatouage par hasard, il est devenu en une quinzaine d’années un professionnel aguerri. Il est même aujourd’hui un des artistes les plus talentueux de la scène new skool canadienne. En plus d’être réalisées avec une technique irréprochable, ses pièces se distinguent par leur originalité, nourrie d’influences variées, allant de l'Art nouveau aux anime japonais.
Avec quelles influences artistiques as-tu grandi ?
J’ai beaucoup regardé les anime/manga, du genre Dragon Ball, Pokemon, mais aussi les cartoons comme Kid Paddle et Southpark. Plus tard, à l’adolescence, j’ai fait la découverte des bandes dessinées et des romans graphiques. Un nouvel univers rempli d’illustrateurs et de concepts cool s’est alors ouvert à mon imaginaire. Puis, au début de ma vingtaine je suis tombé dans le concept art/character design, avant de faire la découverte de grands maîtres de l’illustration comme Franck Frazetta, Alfons Mucha, Joseph Christian Leyendecker dont le travail te fait réaliser à quel point tu as des croûtes a manger (expression québécoise pour dire qu’il reste de l'expérience à acquérir, ndr).
Les références à l’Art nouveau se retrouvent effectivement dans tes fonds.
Oui, la découverte de Mucha a été une de mes plus grande claques. Durant les années qui ont suivies j’ai tenté d’intégrer ces effets de mouvements, mais aussi les espaces négatifs, les contrastes dramatiques et graphiques dans les lignes, le plus souvent possible. C’est un style qui se marie bien avec un design à tatouer.
Justement, comment ton chemin vient-il à croiser celui du tatouage ?
C’est un pur hasard. Je venais tout juste de déménager dans une nouvelle ville pour étudier le graphisme, après le secondaire, et je suis entré dans un studio de tattoo. Je suis devenu ami avec le propriétaire et en moins d’un an, j’ai commencé mon apprentissage.
Tu avais une idée alors de ce que tu voulais faire professionnellement ?
Non, mais la passion du dessin étant là depuis toujours. Je ne peux aujourd’hui que remercier les forces cosmiques qui on fait en sorte d’être là au bon moment et au bon endroit. J’ai pu faire de cette passion, mon gagne pain ! Et ce depuis maintenant 15 ans.
Parmi les sujets que tu affectionnes particulièrement, les animaux occupent une place centrale. Faut-il y voir un héritage de Disney ?
Disney mais aussi Pixar, Dreamworks… Ce sont définitivement des influences importantes. Les animaux sont les sujets qui m’apportent le plus de plaisir à dessiner.
Quels sont les points sur lesquels tu es particulièrement attentif quand tu abordes la composition d’un projet ?
Tout est une question de flow général dans la pièce mais aussi de silhouettes intéressantes. L’usage d’espaces négatifs, de différentes couches pour créer de la profondeur est aussi important. Ensuite, la morphologie du client et l’endroit où le tatouage doit être fait influencent grandement le résultat. Parfois, c’est même le placement qui dicte la composition du tattoo.
Parle nous de ta palette de couleurs, j’ai l’impression qu’elle est devenue plus vive ces derniers temps. Comment s’est faite cette évolution ?
Oui, probablement, je me sens de plus en plus à l’aise dans l’idée d’expérimenter avec une grande variété de couleurs. Cette confiance nouvelle est venue avec l’acquisition d’un iPad en 2015. C’est un bon outil qui tolère sans conséquences les essais et les erreurs. Les premières années, mes couleurs étaient médiocres alors je m’en tenais surtout au noir et gris puis, petit a petit, j’ai pris confiance.
As-tu développé quelques secrets techniques pour faire durer l’éclat de ces couleurs vives ?
Il n’y a pas vraiment de secret à part de tatouer avec confiance. Dans le tattoo, c’est un peu comme tout dans la vie, mieux vaut éviter de faire les choses à moitié. Quand tu décides de planter les pigments dans la peau, il faut y aller pour de vrai, avec assurance et une intention sincère derrière chaque coup d’aiguille.
Alors que le nombre de tatoueurs a explosé, comment t’y prends-tu pour essayer d’apporter quelque chose de frais dans ce paysage ?
Je pense m’appuyer sur mon expérience personnelle pour continuer de dessiner de manière analogique dans un monde de plus en plus dominé par la technologie - par exemple les sets de brush utilisés sur Procreate qui dessinent à la place des gens, prenant ainsi la nouvelle génération de tatoueurs par la main déjà sollicitée par les progrès de l’IA. Je vais continuer à proposer une approche classique, sur plusieurs styles, une façon de faire que certains clients rechercheront probablement à nouveau : l’art avec une âme et pas un copié/collé du voisin. C’est ce que j’espère en tout cas ! (Rires).
Certains tatoueurs new-school sont un peu déçus par le manque de reconnaissance de l'engagement que le style nécessite. Partages-tu ce constat et qu’en est-il au Canada ou du moins au Québec ?
Oui, je pense que les gens voient, en général, le «vrai» travail derrière les trucs sérieux, genre un portrait réaliste. Beaucoup ne réalisent pas le travail derrière un BEAU design/tattoo new school, n’apprécient pas les compétences nécessaires à l’art de simplifier au maximum, sans sacrifier l’essentiel d’un sujet ; de donner de la vie, des dimensions, une interprétation unique au choses sans les dénaturer. Je pense que le new-school, comme le style illustratif, plait plus aux autres artistes et aux clients qui ont une affinité avec l’art. Ils savent le travail qu’il y a derrière, la passion derrière chaque coups de crayon. Les gens sont en général facilement impressionnés par le réalisme parce que c’est ce que leur cerveau comprend facilement, c’est naturel. Mais oui, le new-school est un style mal aimé ces temps-ci. Ça reviendra un jour ! + IG : @gigantornio www.athamestudio.com 1498 rue Ontario est, Montreal, Quebec H2l 1s3