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Onnie O’ Leary

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Onnie O’ Leary - Les Histoires d’O

ITW par Pascal Bagot / Photos Onnie O’Leary

Chaud devant ! Quand Onnie O’Leary commence à faire tourner les bobines les esprits s’échauffent à vitesse grand V ! Il faut dire que la jeune artiste Australienne est particulièrement douée pour mettre en scène son sujet préférée, qu’elle décline joyeusement sur les peaux : les aventures de superbes créatures célébrant une féminité totalement décomplexée et sans pudeur.

Le nu féminin est l’un d e tes sujets favoris, pourquoi?

Il a plusieurs fonctions dans le monde de l’art, on lui fait porter tellement d’apparences et de concepts - de la Statue de la Liberté pour évoquer la liberté jusqu’à la victoire de Samothrace pour la victoire. Mais pour moi c’est une source permanente d’inspiration. Je suis fascinée par les réactions provoquées par l’exposition au corps des femmes, à leur sexualité et comment celles-ci peuvent être manipulées. Mais plutôt que des femmes représentant des idées abstraites je souhaite qu’elles se représentent elles, avec toute la détermination, la vulnérabilité, la force et le caractère qu’elles incarnent.

D’où vient cet intérêt pour les pin-ups?

Toutes les femmes sont des pin-ups mais toutes ne le réalisent pas. J’ai passé beaucoup de temps quand j’étais à l’université à regarder du porno parce que je vivais loin de mes parents et que personne n’en avait rien à foutre. J’ai découvert qu’il y avait des films pour tous les goûts et que la définir quelque chose de sexy n’est pas universel. Bien sûr, il y a des traits communs et que j’aime particulièrement, c’est ainsi une habitude chez moi de dessiner les femmes avec de fortes poitrines. Mais cela ne veut pas dire que les petites ne le sont pas ! Dans la vraie vie ce n’est pas tellement le corps de la femme qui m’intéresse mais son attitude et sa personnalité. Ce sont les choses les plus difficiles à dessiner, mais j’essaie.

Les femmes que tu dessines prennent ouvertement du plaisir sexuellement, dans des aventures en technicolor. Le sexe, cela manquait selon toi au monde du tatouage ?

C’est quelque chose qui manque au monde en général. Quand on regarde la façon habituelle avec laquelle les femmes sont représentées et particulièrement quand il est question de sexe, ce sont aussi bien des objets que des concepts. Leur sexualité nous est offerte et nous apaise d’une certaine façon, pour nous vendre quelque chose, pour nous satisfaire. Qu’est ce que cela dit de la place de la femme dans le monde ? Que leur sexualité n’est rien d’autre qu’un produit. Je veux que les femmes réalisent que le plaisir leur appartient et qu’elles en tirent la joie de sa simple satisfaction. Dans un sens, ma vision est une utopie sexuelle, qui j’espère deviendra cependant de plus en plus concrète dans le futur. La célébration d’une sexualité ouverte et libre, l’invitation à y participer, c’est le thème principal de mon travail depuis que j’ai commencé.

As-tu des limites dans la représentation du plaisir ?

Pas en terme de plaisir, non. Mais je refuserais de faire des tatouages avec des sujets agressifs ou haineux. J’ai aussi des limites quand à certains emplacements et je n’ai toujours pas tatoué de mains ou encore de cous. Je pense que ce devrait être les derniers endroits à tatouer et je demande à mes clients de terminer d’abord leur body-suit avant de revenir me voir. C’est vraiment une mode inutile. Dans les grandes villes cela ne porte pas trop à conséquence, c’est quand on s’en éloigne que les problèmes arrivent. Une de mes amies visitait des régions rurales en Europe de l’Est et on a refusé de la servir au restaurant et même dans des boutiques, parce qu’elle avait une fleur tatouée sur la main. Une touriste australienne a été agressée en Inde parce qu’elle était tatouée sur la jambe. Nous oublions la puissance du symbole de porter une image sur la peau, et choisir de les montrer ou de les garder cacher ne devrait pas être pris à la légère.

Y-a-t’il des sujets que tu souhaiterais faire ?

J’aimerais avoir plus de tatouages qui évoquent une histoire méritant d’être racontée, j’adore quand il y a du sens derrière. Mais je crois que je ne me lasserai jamais de faire des pin-ups, je veux pousser le sujet très loin de ses représentations classiques.

Quand tu as commencé à tatouer tu avais déjà une solide identité artistique, comment t’es-tu adaptée à ce nouveau medium ? (Onnie a suivi des études artistiques, elle est diplômée des Beaux-Arts et en Arts Visuels avec une spécialisation en peinture et en gravure.)

Comme n’importe quel medium, le tatouage a ses propres limitations physiques. J’ai commencé par regarder tout ce que je pouvais , comprendre ce qui marchait et pourquoi certains aspects m’attiraient tout spécialement. J’ai été particulièrement chanceuse de travailler très tôt dans mon apprentissage avec l’artiste allemand Sven Groenwald, j’ai beaucoup appris de lui dans la façon de travailler l’efficacité des compositions avec un minimum de temps et d’effort. C’est non seulement faire preuve d’intelligence, c’est aussi bien pour le client. Beaucoup de mes techniques viennent de la nécessité de composer rapidement, quand je suis en guest, des grandes pièces. Simple et efficace, tout le monde y est gagnant !

Tu travailles principalement des flashs, parce que c’est un format adapté à ton mode de vie?

Oui, je voyage tellement que j’ai besoin de créer des motifs qui peuvent être terminés en une ou, au maximum, deux sessions. Quand mes clients viennent de loin pour se faire tatouer nous n’avons pas le temps d’envisager de se voir plusieurs fois. Même si je commence une grande pièce comme un bras, je procède par étapes bien définies, de façon à ce que le client ne se ballade pas avec l’ébauche d’un tatouage. Quand je réalise un tatouage, j’ai en tête qu’il est inutile de vouloir raconter l’ensemble de l’histoire évoquée par celui-ci, il suffit de se concentrer sur les éléments forts. La plupart de mes idées viennent de mes clients et c’est vraiment la façon de travailler que je préfère. Traduire leurs idées dans une création originale, c’est très fun !

C’est difficile d’être une femme dans le monde du tatouage qui est majoritairement masculin ?

J’ai expérimenté bien plus de sexisme dans d’autres professions. La différence étant que dans un studio de tatouage quand quelqu’un franchit la ligne je peux le virer. Mais dans ce milieu tu es plus jugé sur ton travail que sur ton sexe.

Contact : Email ; tattoosbyonnie@gmail.com http://instagram.com/onnieolearytattoos