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Mike Tea

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Australian Ink – Melbourne

Mike Tea Tattoos : Blue Lady Tattoo

Melbourne grouille de salons de tatouage, Hidden Moon, Love Tattoo Parlour, Chapel Street pour ne citer qu'eux, font partie de la crème du tatouage à Melbourne. Pour se faire tatouer, il suffit donc d'ouvrir l'oeil en parcourant les quartiers les plus branchés de la ville ; des minuscules et bruyantes lanes (ruelles) du CBD au festif Chapel Street en passant par le côté Brunswick et ses rooftops rafraîchissants. Capitale du tatouage australien, c'est à Melbourne que s'est émancipé Mike, un Kiwi (surnom des Néo-Zélandais) de 37 ans, chanteur de Sweet Gold, rock sixties swinguant entre fun et romantisme. Tatoueur depuis 6 ans, à l'instar de ses tatouages, Mike Tea n'hésite pas à ajouter une dose fun partout où il va, jusque dans la gestion de son propre shop, Blue Lady Tattoo. Une vibe très « Aussie » qu'on envie depuis l'autre côté du globe ! (Aussie = Australien en argot australien)

As-tu commencé à te faire tatouer en Nouvelle-Zélande ?

Né à Auckland, Mike arrive à l'âge de 23 ans à Melbourne, enchaînant une tonne de jobs merdiques, dans l'unique but d'arpenter les routes en tournées. L'effervescence culturelle de Melbourne l'attire et lui offre une meilleure porte d'entrée vers le succès musical. « Je voulais vraiment tatouer depuis longtemps mais je n'avais pas la confiance pour. Même si je me faisais beaucoup tatouer, je pensais que je n'étais pas assez bien en dessin pour le faire, donc je n'ai même pas essayé. [..•] Il m'a fallu pas mal de temps pour m'y plonger et ce à cause de ce manque de confiance en moi. » Ce manque de confiance ne fera que retarder ses débuts. Aujourd'hui Mike est le gérant de Blue Lady Tattoo en plein cœur de Melbourne. Je jouais dans un groupe de hardcore là-bas, à la fin des années 90, j'étais le plus jeune de mon groupe de potes, ils avaient tous la vingtaine et ils étaient lourdement tatoués, les bras, les mains et cou ou tout le corps. Je trainais dans un tattoo shop aussi et c'était l'endroit le plus cool pour écouter ma musique et du punk hardcore avec mes amis, un endroit bien trop attirant pour moi ! Un jour je me suis fait tatouer par un des mecs du shop, c'était Dean Parkin, de Sacred à Auckland en Nouvelle- Zélande, et c'est toujours un des meilleurs artistes par lequel je me suis fais tatouer et un des meilleurs au monde. C'est un de ceux que j'admire réellement. Il a fait mon chest et mon avant bras. Je me suis beaucoup fait tatouer en Nouvelle-Zélande mais aussi ici. Lorsque j'ai emménagé en Australie par contre c'était pour être dans un groupe et jouer de la musique, j'avais un groupe à Auckland dans lequel je chantais et je jouais de la guitare. On se débrouillait plutôt pas mal mais j'étais un peu bloqué, on est allés enregistrer aux USA mais ça n'a pas vraiment marché et quand je suis rentré j'ai eu besoin de plus gros et j'ai pensé que Melbourne serait parfait car je n'ai pas besoin de carte verte. Aujourd'hui mon groupe actuel s'appelle « Sweet Gold » et on joue une sorte de rock sixties avec pas mal de chansons romantiques qui seront sur album en 2018. Lorsque je suis parti vivre à Melbourne, rejoindre mes amis pour faire de la musique. Pour financer ça, j'ai eu pas mal de petits boulots merdiques afin de pouvoir payer mes factures ett de partir en tournée avec le groupe.

Dans ce contexte pourquoi as-tu commencé le tatouage ?

Faire des petits boulots, je détestais ça. Je vivais dans un backpack (hôtel de voyageur, type auberge de jeunesse, ndlr) pendant quatre ans mais c'était super fun parce que l’hôtel organisait tout un tas de concerts cools de groupes punk rock venant de l'étranger, c'est une sorte d'institution à Melbourne dans le domaine du punk rock. J'étais à la fin de ma vingtaine et je détestais mon travail. J'en étais au point où je m'en foutais tellement que j'aurais pu sauter d'un pont ou j'aurais appris le design graphique pour rien. J'étais tellement mal portant ce poids d'aller travailler pour quelque chose que je détestais. Je travaillais dans une usine, la plupart de mes collègues étaient cool, quelques uns non, mais ça allait. Mais je me suis dit que si je n'essayais pas je ne saurais jamais si je peux faire autre chose. J'ai donc économisé 3000$, quitté mon travail...jusqu'au moment où je n'ai plus eu d'argent. J'ai mis le pied dans un tattoo shop et il valait mieux que ça marche sinon j'étais dans le pétrin. Heureusement pour moi, ça a marché.

Où as-tu atterri ?

Je fus chanceux parce qu'un ami à moi travaillait dans un shop et ils avaient besoin de quelqu'un pour faire le ménage et l'accueil (* le counter, en Australie). Il m'a recommandé et j'y ai travaillé pendant quelques années. Ils m'ont toujours dit que je ne tatouerais jamais car je n'étais pas assez bon pour tatouer. On me disait de m'asseoir et de faire l'accueil. Et puis un jour un d'entre eux m'a dit : «  Hey, viens et tatoue moi ! ». Et c'était génial ! Suite à cette première expérience, un paquet de gens m'ont aidé. C'était un enjeu énorme pour moi. Je tatouais déjà quelques uns de mes amis au Backpack, j'en ai tatoué pas mal avec une mauvaise machine, mais heureusement pour moi, ces gars-là étaient déjà couverts de tattoo et s'en fichaient d'avoir de la bousille. Ils trouvaient ça plutôt drôle même d'en avoir certains très mauvais. Donc mon premier tattoo je l'ai réalisé dans ce shop et quelques mois plus tard, ils m'ont pousser à tatouer et j'ai arrêté le ménage. J'ai même trouvé un second job dans un autre shop appelé « Side Show Tattoos », donc je partageais ma semaine sur deux boutiques et un jour on m'a proposé un temps complet à Side Show Tattoo. J'y travaillais 7 jours par semaine pendant les premières quatre ou cinq années de mon mètier et je crois profondément que c'est ce qu'il faut faire, surtout lorsque tu apprends le métier. Il faut faire autant de walk-in que possible et autant de tattoo que tu peux. Il n'y a pas tant que de boutiques occupées tout le temps à Melbourne et à Side Show j'avais plus de clientèle car moins de tatoueurs y exerçait. Puis j'ai commencé à travailler à St Kilda, et là, rapidement je me faisais assez d'argent pour ne travailler que trois jours par semaine. Je pense que pour certains c'est un problème mais pour d'autres non. Pas mal de gens avec qui j'ai travaillé, pouvaient bosser pour deux salons en même temps. Mais qui s'en préoccupe ? Il y a assez de peau pour tout le monde et pour aller n'importe où et si il n'y a pas assez de boulot, c'est parfaitement compréhensible de bouger.

Comment décrirais-tu ton style ?

Je fais juste du Traditionnel Américain avec un twist en plus. On pourrait le décrire comme une version positive et fun des motifs traditionnels. Je ne suis pas dans l'imagerie noire ou négative, même si j'aime ce genre de tatouages je préfère piquer un genre de tatouage qui reflète ma personnalité en général qui est plutôt sympa et drôle. J'aime avoir une attitude plutôt marrante et relax et j'adore les couleurs vives, les levers de soleils, les cocktails et personnifier des animaux. Pour chaque genre et pour tout le monde, la chose la plus dure est d'avoir son propre style et je crois que chacun souhaite atteindre ce but et dans n'importe quel domaine ou à n'importe quel degré de succès, alors si j'y arrive, j'en serais très heureux. J'essaie d'avoir mon truc à moi, c'est comme dans la musique, chacun à sa propre branche musicale qu'il souhaite développer et montrer au plus grand nombre. C'est pareil en dessin car chaque motif aura une finalité différente suivant la personnalité de son artiste. Tes influences vont de la musique au skateboard, quel a été le chemin parcouru dans ce milieu underground ? J'ai grandi avec des graphismes de skateboards, des films de skate et tee-shirts et tous ces trucs sont une grosse influence pour moi. Les pochettes d'albums de métal, ont eu une énorme influence et j'aime tout ce qui est stylisé. J'ai étudié le graphisme et justement ce que je préfère c'est le design de logo. Car il y est distillé tout un tas d'informations, le tout rassemblé en un seul symbole et j'aime beaucoup cette idée. C'est aussi vraiment délicat à réaliser mais quand tu en fais, c'est génial. Quand je suis arrivé dans le tatouage, c'est ce pourquoi j'aimais le tradition, c'est un peu comme distiller l'information de la manière la plus simple possible afin qu'elle soit lisible, c'est aussi la manière la plus simple de transmettre une information au lieu de donner dans le détail de plutôt affirmer un énoncé. C'est comme ça que je vois les choses, je pense formes plutôt que détails.

Quand et pourquoi as-tu décidé de devenir propriétaire de ton propre shop ?

Deux ans après mes débuts. Pour la petite histoire, c'est avec un an de tattoo je suis retourné en Nouvelle-Zélande pour réaliser un guest chez Sacred où Dean avait l'habitude de me tatouer et chez Two Hands, à Auckland où ma sœur travaillait aussi et ce fût vraiment important pour moi. C'était tellement cool de pouvoir vivre cela car Dean et Dan sont propriétaires et font marcher Sacred tellement bien que de les voir à l'action, ça m'a ouvert les yeux sur l'endroit où je travaillais moi-même et sur la façon dont un salon devrait fonctionner. Je travaillais dans une boutique où le patron avait une personnalité erratique et qui, je le crois, ne basait pas ses décisions sur le bien et l'avenir du salon mais sur ses revenus personnels et ce n'était pas le genre de salon où je voulais être. Quand j'ai constaté à Sacred à quel point ils étaient passionnés par le tatouage et à quel point cela n'avait rien à voir avec l'argent mais un ratio entre clients et tatoueurs dans une sorte d'expérience plus profonde, ça m'a touché. J'ai vite compris en y travaillant que je ne voulais plus travailler pour ce genre de personnes. J'ai ouvert mon propre salon. Et c'est quelque chose que je ne regrette pas mais c'est aussi quelque chose que je n'aurais sûrement pas du faire seulement deux ans après avoir débuté. C'est trop rapide pour être capable d'ouvrir un shop de tattoo. C'est carrément tôt dans la communauté tattoo, mais d'un autre côté je n'en pouvais plus de bosser pour des gens au tempérament imprévisible, fous et à ce moment-là je voulais juste bosser dans un salon qui traite les gens équitablement et dont le manager n'est pas totalement insensé et ne change pas d'avis et de façon de faire tous les jours. Et puis un jour où l'autre je l'aurais fait alors j'ai sauté le pas. J'ai pris le pari de le faire et je l'ai fait. A ce moment-là j'avais récolté un peu d'argent en vendant un jingle que j'avais composé pour Weet-bix (Céréales). J'avais un paquet de fric et j'allais m'envoler pour Las Vegas et sûrement tout cramer mais j'ai finalement décidé d'ouvrir mon salon avec. Au final, Vegas n'était que parti remise ! Que penses-tu du tattoo à Melbourne ? Je ne suis pas sûr qu'il puisse y avoir un nouveau challenge pour le tatouage à Melbourne, mais je pense que Melbourne est le challenger concernant tout l'hémisphère sud. C'est un peu la capitale du tatouage. Tu peux jeter une pierre dans n'importe quel direction et trouver une très bon artiste ici. Mes cinq tatoueurs favoris sont ici à Melbourne, s'en est ridicule ! Quand je suis arrivé à Melbourne la toute première fois, j'ai débarqué à Chapel Tattoo et les gens y sont géniaux ! Je me suis fait tatouer par Jane et Andrew, leurs tattoos sont époustouflants et je me souviens même à l'époque avoir été surpris du nombre de bons salons. Et maintenant après 14 ans, il y a tellement de shops incroyables, c'est fou. C'est un peu arrivé à son paroxysme. Lorsque j'étais à L.A, il y a un an, on pouvait y voir s'enchainer les shops punk, ceux de tee-shirts, les pharmacies de weed légale et les boutiques de tatouage, encore et encore. Et je crois que Melbourne dans peut-être encore 14 ans pourrait devenir ainsi. Et si tu es bon à ce que tu fais, tout roule. Il y a beaucoup de tatoueurs mais il y en a pas mal de mauvais aussi. Les gens qui ne sont pas assez bons ou qui s'en fichent ne resteront pas et ceux qui sont vraiment passionnés et qui respectent et traitent bien leur clientèle et font du bon boulot, eux seront là car tu ne peux pas merder si tu t'acharnes à respecter chacune de ces valeurs. C'est même une formule qui marche dans toutes les industries, si tu as un bar et que le personnel est sympa, tout le monde viendra, si c'est des cons personne ne reviendra. C'est la même chose ici.

Si on parlait de Blue Lady Tattoo ? Tu nous présentes tes collègues ?

La boutique a eu quatre ans cette année et notre première boutique était établie un peu plus bas dans une autre « laneway » (ruelle de Melbourne piétonne et pleine de graffitis au sein du CBD, ndlr) on avait pas mal de monde, beaucoup d'artistes différents en transit car ça fait partie du métier aussi de pouvoir bouger et voyager. Mais certains sont là depuis plusieurs années et l'équipe est devenu assez solide maintenant, depuis qu'on a déménagé et occupés. On a Dave qui réalise un genre de traditionnel Européen, Ben qui a un des traditionnels les plus propres que j'ai pu voir, Brad qui fait des motifs néo-trad' avec de jolis détails, constants et lisses. Ensuite on a Emett, qui vient de la Gold Coast et qui oscille entre japonais et traditionnel imposant. Kieran qui a travaillé en Norvège et vient du Royaume-Uni. Il s'est installé ici et il est vraiment très bon et puis TJ (la seule fille, ndlr) au fond qui pique dans un style trad' New-Yorkais. En ce moment Jamie qui pique le Big boy Pin Up est aussi avec nous en guest. On est donc 7 ou 8 la plupart du temps. Ressens-tu une ambiance particulière, un lien entre vous tous ? Ce que je voulais, quand j'ai commencé ce shop, c'est créer un endroit où les gens qui y travaillent se sentent traité justement.L'ambiance est sympa, les clients et les gens passent un bon moment et il n'y a ni d'ego ou de questions de pouvoir et toutes ces conneries habituelles qu'on peut avoir venant de gens qui se croient meilleur que vous ou souhaitent faire le Boss. J'essaie de garder un rythme assez tranquille. Les artistes vont et viennent comme ils l'entendent. Je n'ai ni d'horaire de départ pour ceux qui souhaiteraient partir plus tôt par exemple car je pense qu'ils savent tous qu'ils sont là avant tout pour gagner leur pain. Je n'ai pas besoin de le leur répéter. Une des raisons pour laquelle j'ai voulu être tatoueur, c'est que je ne veux pas avoir à me lever à 7h00 du matin pour être à 8h15 au travail et avoir des problèmes si j'ai 10 minutes de retard. Si tu as besoin d'emmener ta voiture au garage, tu devrais pouvoir le faire, quand tu en as envie ! Si tu as envie de prendre le petit-déjeuner avec ta copine tu devrais avoir la possibilité de le faire ! Donc oui je dirige le shop « à la cool » et je pense que c'est aussi pour ça que l'ambiance est vraiment agréable car tout le monde a beaucoup de liberté et d'autonomie. Chacun gère son propre business et sa journée. Je pense que cela crée une bonne atmosphère car je ne ressens jamais le besoin de devoir leur dire ce qu'ils doivent faire.

@blueladytattoo @mike_tea_tattoos