Inkers MAGAZINE - Remi, « La Manufacture » et « Le Garage ».

>MAGAZINE>Portraits>Remi, « La Manufacture » et « Le Garage ».

Remi, « La Manufacture » et « Le Garage ».

Partager

Remi, la manufacture et le garage.

Quand on discute avec cet artisan du tattoo comme il aime s’appeler, on constate, quel que soit l’art, c’est la technique qui le passionne. « Je suis plus à rechercher la technique que purement la créativité et le mec qui m’a toujours troué l’cul depuis que j’ai commencé c’est Filip Leu, cette légende ! Il fait du néo-jap avec des gris magnifiques. C’est ces gris super lisses que j’ai toujours voulus faire et c’est pour ça que je me suis dirigé dans un premier temps vers le japonais et en plus, je sais que c’est des tattoos qui vieillissent bien.». Les peintres classiques comme Rembrandt, ou toutes les sublimes oeuvres que l’on peut découvrir dans des musées tels que le Louvre l’impressionne aussi. Rémi peut passer des heures à observer les drapés de satin, le réalisme des visages et le travail de la lumière. En tatouage aussi, les artistes techniciens sont ceux qui le charment le plus : Niko Hurtado, Victor Chil ou Shige … Ce goût pour la technique l’entraine logiquement vers le réalisme, car le style oriental n’est pas la seule corde à son arc. Rémi commence sa carrière dans les années 90 et comme beaucoup de tatoueurs de cette génération, il est commun de toucher à plusieurs styles. On peut presque tout lui demander.

Son parcours : Début de carrière chez « Bruno tatouage », le premier salon Francais. Rémi, originaire de Bobigny en proche banlieue parisienne fait des études de ciselure en bronze et sort premier du concours de l’école Montmorency à Paris pour être joaillier, mais ces deux voies professionnelles sont sans débouchées. A la fin de ses études, il part faire son service militaire, encore obligatoire à l’époque. Après quelques mois d’ennui en uniforme à perdre son temps, Rémi pense qu’il faut que ça lui serve à quelque chose. Il nous raconte : « Ces bâtards, ils te passent des videos : ce serait bien d’aider les gens qui en ont besoin ! Et c’est comme ça que j’ai rempilé 6 mois en tant que casque bleu en Yougoslavie ». A son retour, pour marquer le coup et « un peu minot et con à cette époque » nous dit-il, il veut se faire tatouer l’emblème de sa compagnie, un bouledogue avec un casque bleu. Rémi recherche dans les pages jaunes ( note pour les plus jeunes : l’annuaire le plus populaire à l’époque avant internet, on est au début des années 90 !!! ) et la plus grosse annonce, une demi page est celle de Bruno tatouage, premier tattoo shop à avoir ouvert à Paris en 1961, dans le quartier de Pigalle réputé pour son moulin rouge et ses filles légères. Rémi nous confie « il m’a fait une belle merde ! et du coup ça a été le déclic, je me suis dit que je pouvais au moins en faire autant sans se foutre de la gueule des gars qui vont garder ça toute leur vie. » Il interroge Christophe qui tattoo dans le salon et lui demande comment faire pour devenir tatoueur et il lui répond « Bah, va voir le vieux ! » , ce qu’il fait ! « Bruno me demande de dessiner une rose, un machin, un truc » . Et lendemain Rémi commence sa carrière dans le plus ancien tattoo shop Parisien.

Le pied dans l’usine à gaz Chez Bruno ces années-là c’était la grosse affluence, il n’y avait pas encore beaucoup de shop sur Paris moins d’une dizaine dans les années 90. Bruno faisait beaucoup de publicité et l’ancien avait tatoué quelques célébrités comme Kung-Fu aka David Carradine, tous en photos dans la boutique.

Rémi passe trois mois à observer, dessiner les motifs pour les clients sans réellement faire un apprentissage. Bruno lui demande de s’entrainer sur un pied de cochon, « truc dégueulasse a tatouer ». Puis un soir, une bouteille de champagne sur le comptoir, le boss lui annonce « tu rejoins l’équipe demain ». Rémi enfile sa blouse verte et le voilà parti pour son premier tatouage. Son client veut un dauphin, le super best-seller des années 90. Après une grosse suée, la séance se passe plutôt bien et d’ailleurs, le tatoué revient la semaine suivante pour un autre motif.

Bruno tatouage n‘a pas grand chose à voir avec ce que l’on connait d’une boutique de tattoo actuelle. Bruno sans doute passionné par le tatouage dans les années 70 est devenu un businessman, il ne veut pas que les tatoueurs sympathisent avec les clients. A une époque, il y avait un tourniquet payant comme à l’entrée des anciens métros et les curieux qui voulaient visiter la boutique devaient mettre une pièce pour entrer. Les tatoueurs doivent obligatoirement travailler avec le matériel que produit Bruno, qui est vraiment de la pire qualité. Rémi nous explique « Je faisait, 6, 7, 8, 10 tattoos par jour, j’ai pas vraiment eu le temps de m’angoisser, c’était une vraie usine à gaz. Le samedi devant la boutique, il y avait une queue de 40/50 personnes. » Après quelques mois , Rémi commence à se promener dans les premières conventions de tatouage et découvre d’autres compagnies qui produisent du matériel. Il achète ses propres encres, vide les flacons d’encre de Bruno Tatouage, les nettoie et les remplace par ses propres encres. Il raconte que Bruno l’interroge un jour « Je ne comprends pas, comment vous rentrez vos couleurs ? elles sont toujours plus vives que les miennes ! » et Rémi de répondre « Euh je sais pas, je fais comme vous m’avez expliqué ! » avec un peu de mauvaise foi. Après une année mal payé, seulement 20% du prix du tatouage et désirant moderniser les lieux, il essaye de renégocier avec son boss, mais l’ancien ne lâche rien. Il quitte le salon et se met en recherche d’un local sur Paris. Peu de temps après, il ouvre avec Christophe, autre tatoueur de « Bruno tatouage » Leur propre shop « All Tattoo », rue Saint Sabin dans le 11e arrondissement de Paris. Les deux collègues après un an à bosser ensemble étaient devenus « cul et chemise » dixit Rémi. ils ont choisi « All tattoo » parce que « all » commence par un « A » et serait donc en premier dans les annuaires de l’époque… Petite ruse de ces deux nouveaux arrivés dans le monde du tatouage pour pouvoir s’en sortir et avoir quelques clients, eux, que personne ne connaissait. On est en 1995.

Après une quinzaine d’années à bosser ensemble, Rémi qui a pris le goût des voyages, et a rencontré Céline, sa compagne. Il est las de la cadence d’une boutique et il opte avec elle, pour une nouvelle aventure : un atelier privée à Arcueil en banlieue parisienne. L’ « Arcueil workshop » avec moins de charges qu’une boutique ce qui leur permettent de voyager six mois par an en Asie, un rythme qui leur va bien. Une autre ambiance « Plus de dessin, plus de peinture, des clients qui deviennent des potes, qui restent parfois le soir manger avec nous ». Cela durera deux ans.

Puis c’est à Anglet que le couple va oeuvrer : « En 2012 suite à un héritage et à un ras le bol de Paris on part s’installer dans le pays Basque, un peu de mer, un peu de montagne, un peu d’Espagne et du soleil, le pied ! » nous raconte Rémi. En 2014 ils ouvrent à Saint-Vincent-de-Tyrosse « la Manufacture », encore un atelier privé. Max aka Hanem les rejoint comme apprenti dans un premier temps puis comme tatoueur. Ils se font aussi des amis fidèles , Gwendal Owan et Frankaï, l’équipe de Souston Tattoo avec qui, ils ouvriront en mars 2018 « le garage ». Une superbe boutique, spacieuse, avec la possibilité de faire des expos et d’inviter de nombreux guests. Un autre copain rejoindra la troupe à cette occasion, Freako. On leur souhaite à tous une belle réussite.

Links : - Le Garage Tattoo Shop : FB https://www.facebook.com/pg/legaragetattooshop/ / Instagram : https://www.instagram.com/legaragetattooshop/?hl=fr - La Manufacture : https://www.facebook.com/La-Manufacture-du-tatouage-1400344046912373/ Reportage par DHK