L’artiste coréen est non seulement un authentique génie du dessin, il est aussi aujourd’hui une véritable star. Ses performances live filmées pendant lesquelles il dessine des fresques impressionnantes, sans sketch préparatoire et uniquement grâce à sa mémoire visuelle, sont vues et partagées sur les réseaux sociaux par des millions de gens. Tous sont stupéfaits par le sens du détail de l’artiste ainsi que sa mise en espace hallucinante. Un talent que l’on retrouve dans ses carnets de croquis publiés tous les ans où, parmi tous ses dessins, il ne nous a pas échappé que le tatouage revenait régulièrement. Nous sommes allés lui demander pourquoi.
Le tatouage revient régulièrement dans vos dessins, comment l’expliquez-vous ?
Il véhicule une image forte et donne un caractère plus sévère à mes personnages. Ainsi, je choisis leurs tatouages en fonction de l’identité de mes sujets. Un motif mignon sera plus féminin, des têtes de morts, des armes, donneront en comparaison une image plus puissante. J’aime le tatouage des mafieux russes car ils expliquent leur vie et donnent de la profondeur à leur histoire personnelle. J’ai rarement vu des tatouages de près cependant. Je les regarde plutôt dans la rue, dans les livres, les photographies. J’ai une dizaine de livres dans mon studio dont je me sers comme référence et depuis lesquels je m’inspire. Une fois cependant, j’ai travaillé sur une histoire -un peu identique à Pokemon- dans laquelle j’avais imaginé un personnage portant un grand tigre tatoué dans le dos.
Vous intéressez-vous à des styles en particulier ?
J’adorais au début le tatouage japonais mais aujourd’hui ce n’est plus mon style préféré. J’aime bien les tatouages noir & blanc et, en fin de compte, je les apprécie plus que ceux réalisés en couleurs. Je trouve qu’ils ont un peu trop de nuances. Je suis toutefois attentif aux évolutions graphiques dans le milieu et j’aimerais voir de nouvelles approches faites à partir des styles traditionnels.
Depuis quand vous intéressez-vous au tatouage ?
Depuis le lycée. Comme je dessinais, je m’y suis intéressé assez naturellement. A cette époque des amis me demandaient de les tatouer, mais je ne savais pas comment faire. D’autres voulaient aussi que je leur fasse des dessins dans l’idée d’aller ensuite se les faire tatouer. Mais aujourd’hui, en fin de compte, seulement deux personnes - un ami et mon manager- portent sur leur corps des dessins que j’ai réalisés. Ce sont en fait des croquis que j’ai réalisés directement sur la peau.
La Corée a-t-elle une culture du tatouage ?
Le tatouage est officiellement interdit en Corée. Plus précisément, s'il n'est pas illégal de faire des tatouages en Corée du Sud, ils doivent être obligatoirement réalisés par un médecin titulaire d'une licence médicale en bonne et due forme. Les autorités justifient la législation par des considérations de santé publique, y compris la nécessité d'éviter toute propagation du virus HIV ou de l'hépatite par des aiguilles mal stérilisées. En Corée, le tatouage est surtout associé aux criminels. L’image qu’il véhicule est donc très négative. D’un point de vue culturel, il y a aussi cette idée qu’il ne faut pas modifier son corps, car celui-ci appartient aux parents. Il doit donc rester intact tout au long de son existence. C’est un taboo. Même couper ses cheveux n’était pas perçu comme quelque chose de positif pour les hommes. C’est en partie pour cette raison que je n’ai pas de tatouages, même si j’aimerais bien. Je dois avouer que j’ai aussi peur de la douleur !
Quels motifs choisiriez-vous de vous faire tatouer si vous le pouviez ?
Je choisirais mes propres dessins. Des insectes, des scarabées par exemple… des crabes, des crabes-araignées avec de longues pattes. Peu de gens en portent, mais je pense que ça peut être beau. J’aime les animaux et la nature. Ou peut-être pourquoi pas aussi des outils, comme des marteaux, un moteur de moto Ducati… J’aime les choses en relation avec la mécanique et j’aime aussi la moto. Comme je dessine avec la main droite, j’aimerais me faire tatouer le bras droit. Mais… j’ai juste trop peur !
Le tatouage est-il populaire auprès des jeunes en Corée ?
Aujourd’hui oui, beaucoup. Ils n’hésitent pas à les montrer dans la rue, même si ce n’est pas très bien vu. Mais je trouve que le tatouage a aussi perdu cette force avec sa popularisation. Je vois ainsi moins de gens avec des tatouages qui ont du sens. J’aimerais bien que les jeunes réfléchissent un peu plus avant, qu’ils ne tombent pas dans la consommation.
Parmi les dessins érotiques que vous réalisez, les femmes sont parfois tatouées. Le tatouage est-il aussi vecteur d’érotisme?
Oui, selon moi le tatouage c’est quelque chose de fort, d’érotique et de trash. J’aime les tatouages qui mettent en valeur les corps, comme une décoration.
D’un point de vue technique, que pensez-vous ?
Pendant longtemps je croyais que les tatouages étaient plats mais je me suis rendu compte qu’il était possible de créer de la profondeur. Le tatoueur doit avoir beaucoup d’expérience pour imaginer l’évolution des couleurs dans le temps, c’est impressionnant de se dire que le professionnel a cette connaissance précise au moment où il travaille. + https://www.kimjunggi.net/fr/ http://www.superani.com/index01.html