Inkers MAGAZINE - Ed Perdomo

>MAGAZINE>Portraits>Ed Perdomo

Ed Perdomo

Partager

INTERVIEW ED PERDOMO

@pascalbagot

Grand voyageur, Ed Perdomo est bien connu pour ses tatouages colorés grand format dans lesquels il revisite l'imagerie asiatique à la sauce newskool. Installé maintenant au Canada, peut-être sa dernière destination, le tatoueur colombien de 47 ans partage avec nous sa riche expérience.

Aujourd’hui, nous sommes tous coincés à la maison et les voyages sont limités. J'ai pourtant entendu dire que tu étais un grand voyageur, raconte-nous !

J'ai été dans trop de villes et dans trop de pays pour tous les compter. J'ai commencé à voyager vers le milieu des années 90. D'abord dans mon propre pays, la Colombie, puis dans toute l'Amérique du Sud avant de tout vendre et de partir pour de bon. En ce qui concerne la situation de la Covid-19, j'ai eu du mal à m'y habituer, mais d'une certaine manière, je l'ai appréciée. J'ai pu mener à bien de grands projets dans les délais impartis et j'ai essayé d'en tirer le meilleur parti.

Quelle a été l'importance cela a-t-il eu pour toi de voyager comme tu l'as fait ?

J'aimais à la fois le plaisir de la vie nomade et le tatouage sur la route. Les nouveaux endroits et les nouvelles expériences me permettent de grandir personnellement et professionnellement. C'est inspirant et bénéfique pour ta maturité artistique.

Quels souvenirs gardes-tu de toutes ces aventures ?

Il y a tellement de souvenirs et de personnes qui ont fait partie de ma vie. Je pense qu'un lieu est aussi bon que ses habitants. Les liens que j’ai établis dans certains de ces endroits m'ont permis de franchir des étapes importantes dans la vie. Certaines de ces personnes sont devenues des amis chers, voire des compagnons de vie. Sur le plan professionnel, mes années en Chine ont eu un profond impact sur mon style de travail.

C'est ainsi que le style asiatique est entré dans ta vie ?

J'ai commencé très tôt. Il était difficile de trouver des informations à ce sujet. L'Internet n'existait pas encore, alors j'ai déménagé en Chine. Je voulais apprendre et comprendre leur culture et leur iconographie, pour espérer apprendre à être un tatoueur traditionnel. Mais finalement, d'une manière ou d'une autre, c'est parti dans l'autre sens.

Pourquoi aller spécifiquement en Chine ?

Bien que j'aie beaucoup voyagé en Asie, je me suis installé à Shanghai pour approfondir mes connaissances tout en gagnant ma vie. Il était également plus facile d'émigrer légalement à l'époque. Je ne connais plus les dates exactes, mais c'était aux alentours de 2002. Ce fut une expérience formidable à bien des égards. Tout était nouveau : la langue, la culture, la nourriture et les règles sociales. Chaque chose était nouvelle et excitante.

Cette expérience a-t-elle répondu à tes attentes ?

J'ai pu en apprendre davantage sur la tradition et la culture. Mon dessin s'est développé d'une manière différente, mais les clients ont bien réagi. Et, au bout du compte, ce sont eux qui ont le dernier mot.

Les tatoueurs disposent aujourd'hui de moyens sans précédent pour échanger, apprendre et communiquer, à tel point que l'on peut se demander s'il est encore utile de voyager. Qu'apprend-on sur la route que l'on n'apprend pas ailleurs quand on est tatoueur ?

Les choses ont définitivement changé. Même les conventions de tatouage semblent inutiles et c'est peut-être vrai pour les jeunes artistes. Dans mon cas, j'ai besoin de cette interaction personnelle avec des artistes partageant les mêmes idées et aussi avec des gens de tous les jours. Parcourir de nouveaux endroits nourrit aussi mon esprit curieux.

Récemment, j'ai discuté avec un autre grand tatoueur voyageur - Davee - et il a dit que la chose la plus importante dans le tatouage, ce sont les gens. Qu’en penses-tu ?

Je suis tout à fait d'accord avec cette affirmation. Ce sont les gens qui nous font confiance et qui m'ont tout donné. Je n'aurais pas pu me développer sans la confiance et le soutien de mes clients.

Quand as-tu commencé à tatouer et comment cela est-il entré dans ta vie ?

J'ai commencé au début des années 90 et c'était juste par accident. J'ai vu un type le faire avec une machine artisanale et je me suis dit que ce serait cool de tenter ma chance. J'ai donc fabriqué la mienne et j'ai essayé de tatouer des amis très malchanceux. Bien que ce soit vraiment mauvais, d'autres personnes m'ont demandé de le faire pour eux. J'ai fait ça pendant quelques années jusqu'à ce que je me rende compte que j'avais besoin d'apprendre à dessiner. C’est alors j'ai commencé à apprendre tout seul et je me bats avec ça depuis.

Comment as-tu procédé pour améliorer ton dessin, en apprenant des grands maîtres que tu rencontrais sur la route ?

Je n'ai pas appris directement d'un autre artiste. En dehors des grandes inspirations, tout mon apprentissage s'est fait par la pratique, les essais et les erreurs.

Tu es enfin basé au Canada, pourquoi s’arrêter ici ?

Je voulais essayer le Canada depuis longtemps. J'adore leur style d'illustration asiatique. J'aime le studio dans lequel je travaille, c'est un grand studio. De plus, je vieillis et je ne peux pas errer éternellement. Je suis venu ici pour une période d’essai et puis la Covid-19 est arrivé. J'ai envisagé de retourner en Europe, mais je vais attendre de voir comment se déroule cette interdiction actuellement sur les encres. Je finirai peut-être par m'installer. Jusqu'à présent, le Canada me plaît.

Tu évoquais le style d'illustration canado-asiatique. Qu’a-t-il de si spécifique ?

Je pense que cela a commencé au Brésil il y a de nombreuses années. J'ai pu rencontrer et me faire tatouer par le légendaire Mauricio Teodoro qui a une grande influence dans son pays et au-delà. Alors que j’étais au Canada, j'ai réalisé qu'il était aussi une figure clé de la scène canadienne du tatouage illustratif.

Dirais-tu que ton style s’apparente plus au newschool ?

Il m'attirait mais j'ai fini par dépasser ce style pour me tourner vers l'illustration asiatique. Je ne suis pas très attaché à la classification des genres artistiques, je préfère travailler sans restrictions stylistiques.

Tu fais beaucoup de grandes pièces, quelles sont les choses importantes à garder à l'esprit lorsque l’on fait de telles compositions ?

Pour moi, tout est question de fluidité et d'harmonie. Il est essentiel de faire un dessin qui suit les lignes naturelles du corps tout en étant facile à comprendre de loin.

Tu as récemment publié un livre (disponible sur la boutique Inkers), peux-tu nous en parler ?

C'est une collection de vieux croquis que j'ai utilisé pour des tatouages dans une variété de style que j'ai exploré au fil des années. Merci Ed. + Instagram : @ed_perdomo www.edperdomo.com KAPALA TATTOO 71 St. Anne’s Road Winnipeg, Manitoba R2M 2Y6 204 255 8897