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Briel Medina

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Interview BRIEL MEDINA

@pascalbagot

Passé de l’illustration au tatouage, le barcelonais Briel Medina s’est très tôt spécialisé dans le newschool, un style lui permet de satisfaire sa culture graphique issue du dessin animé mais aussi sa recherche d’originalité et son sens de l’expérimentation.

Tu as toujours dessiné Briel?

D'aussi loin que je me souvienne, je ne me rappelle pas m'être présenté autrement qu'avec un crayon à la main. Lorsque j’ai commencé à dessiner sérieusement, mes premières années ont été totalement autodidactes – comme je pense n'importe qui dans mon cas. Mais après le lycée, je suis entré dans une école de BD et d'illustration, c'est là que j'ai défini mon style et appris à affiner ma technique.

Avec quels univers graphiques as-tu grandi ?

Mes premières influences ont été les séries animées des années 1980. J'ai adoré dessiner Super Mouse (Mighty Mouse). Mais j'ai aussi été très influencé par les films d'Astérix le Gaulois (bande-dessinée française) et plus tard, par les comics américains, les comics franco-belges et les animes.

Le tatouage, comment y viens-tu ?

Je l'ai toujours eu en tête, mais ce n’est qu’à l’adolescence vers 13-14 ans que j'en ai pris conscience, à travers la musique. J'ai toujours écouté du métal et les musiciens étaient tous très tatoués. Forcément, j’ai voulu moi aussi en avoir.

Tu n’as pas pensé à te tourner vers des références métal, des crânes et des monstres d’heroic-fantasy ?

J'ai bien pensé me faire tatouer tous ces crânes et ces démons mais j'ai commencé à tatouer un peu plus tard et, entre-temps, mes goûts en matière de tatouage avaient évolué. J'ai un bras et une moitié de jambe dans le style blackwork, mais ce que j'aime le plus, c'est le style newschool. D’ailleurs, je n'exclue pas dans le futur de fusionner ces deux styles dans mon propre travail.

Peux-tu nous résumer un peu ton parcours jusqu’à aujourd’hui ?

En fait, j'ai commencé le tatouage assez tard, en 2016. Je suis arrivé dans cette discipline par hasard. Je travaillais comme illustrateur indépendant dans la publicité et une connaissance m'a proposé un poste de professeur de dessin dans une école de tatouage ici à Barcelone. Après avoir donné plusieurs cours j’ai finalement accepté. C’est alors que l’on m’a offert d'apprendre à tatouer. Après trois ans à tester des studios, je suis aujourd’hui dans celui que je considère comme l'un des meilleurs à Barcelone : Gypsy Garden Tattoo.

Parlons de tes tatouages. Expressions, perspectives, éclairage, le style newschool est exigeant d’un point de vue technique. Quels sont les aspects sur lesquels tu préfères travailler ?

Pour moi, tous les aspects de la conception sont très importants. C'est pourquoi je consacre à chacun d'eux autant de temps que nécessaire. En général, je travaille sur un projet jusqu’à sentir que je pourrais le porter sur mon propre corps, sans me sentir gêné.

Combien de temps te faut-il en moyenne pour réaliser le dessin d’un projet de tatouage?

Tout dépend de la taille, mais un flash moyen peut me prendre en moyenne trois ou quatre heures. Pour des dessins plus grands et plus élaborés il faut généralement deux à trois jours. Quand je travaille sur une commande, je commence par visualiser l'idée que je veux capturer, en essayant d'avoir en tête tous les détails que je souhaite voir apparaître dans l'image. Puis, je prends une feuille de papier vierge et je commence à dessiner toutes les lignes qui vont servir à structurer le dessin. Ensuite, je nettoie les lignes.

Que ressens-tu face à une page blanche ?

Avant d’en arriver là, j'essaie déjà d'être très clair sur tous les aspects de la conception. Une fois ce stade atteint, le défi est moins grand.

Un bon tatouage c’est d’abord un bon échange avec son client ?

J'essaie toujours de travailler sur mes dessins à 100% avec lui mais, au final, c'est la main du tatoueur qui fait la différence. C'est ce que le client attend, que son tatouage soit le plus original possible, c'est la raison pour laquelle il nous choisit.

Je me demande si tout le monde se rend compte du travail que représente cette phase de conception. Penses-tu que le newschool souffre d'un certain manque de reconnaissance à niveau-là?

Il est évident que les gens n’en sont pas conscients, que ce soit dans le style newschool mais aussi dans le Neo Traditionnel ou le réalisme par exemple, mais un grand nombre de clients sont à la recherche de l'originalité pour leurs tatouages. Quoi qu’il en soit je pense que ce manque de reconnaissance est principalement dû à un manque de connaissance.

En discutant avec d'autres artistes de newschool, il semble que le style soit moins populaire en ce moment. Tu le constates aussi ?

Je peux le confirmer. En partie à cause de ce que j'ai dit mais je crois aussi que tout est affaire de cycles et ce qui n'est pas à la mode aujourd'hui le sera demain.

D'un point de vue créatif, comment fais-tu pour rester frais?

J'essaie généralement de me tenir au courant des dernières tendances en matière de tatouage. Du point de vue artistique, tout m'apporte quelque chose, que ce soit une pochette d'album, un film ou un couple qui se dispute dans le métro. Pour moi, l'important est de garder mon cerveau actif et ma main chaude.

Tu as des techniques particulières pour garder ta main « chaude », comme tu dis ?

Je m’astreins à une discipline quotidienne d’au moins deux heures de dessin. Pour ma créativité, je lis beaucoup, je regarde et j'essaie de me documenter afin de conserver les références dont je pourrais avoir besoin. Tout ce qui me tombe entre les mains ou entre dans mes yeux est susceptible d’intégrer mon encyclopédie mentale.

Parallèlement à ton travail en couleur, tu as un compte instagram dédié au noir et blanc. Pourquoi ?

Ce sont deux façons différentes d'exprimer des sentiments et je ressens le même plaisir avec la couleur qu'avec le noir et blanc. Mais c’est aussi, comme je l'ai dit, une façon de me rapprocher de la culture métal et de me plonger dans son imagerie de démons, de monstres, de crânes, etc., que j’ai intériorisée. En plus, j'adore les motifs classiques de tatouage.

Quels groupes de métal écoutes-tu?

Les groupes que j'ai le plus écouté dans mon adolescence - et que j'écoute encore - sont Sepultura, Pantera, Slayer, KORN, Deftones, Limp Bizkit, Meshuggah, Whitechapel, pour te donner une idée. Mais je pense que la musique que tu écoutes n'a rien à voir avec le style de dessin que tu développes. Les illustrateurs de ce milieu n’ont ainsi pas eu d’influences sur moi. Mes références viennent ainsi toutes des milieux Newschool et du blackwork. Je ne peux pas te donner de noms en particulier car c'est le style lui-même qui me plait.

As-tu d'autres formes d'expression artistique que le dessin et le tatouage ?

La cuisine ça compte ? Sérieusement, en tant qu'illustrateur ce que j'aime le plus c'est dessiner, changer les techniques et les concepts appliqués au dessin. Ils m'aident à me déconnecter.

Où en est la culture du tatouage à Barcelone en ce moment ?

Je pense que les tatoueurs que nous avons à Barcelone et en Espagne en général, représentent très bien la culture du tatouage dans laquelle nous vivons, même s'il est vrai que les nouvelles tendances pèsent un peu sur cette profession. Beaucoup de clients n'aiment pas les tatouages, ils veulent juste être tatoués. + IG : @briel_medina_art Gypsy Garden Tattoo Carrer del Tenor Masini, 22, 08028 Barcelona, Espagne