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John Ma, Kathmandu, Nepal

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JOHN MA, KATMANDOU, NEPAL.

Par Chris Coppola.

De la vallée de Katmandou au Népal, John Ma nous parle de l’émergence du tatouage, de Nepalinked, de Metal For Nepal, des traditions, de l’art et de son engagement pour aider les natifs Népalais. Bien loin de l’unique aspect du tatouage, un vrai dévouement pour les siens.Le Népal est un endroit plus connu pour sa position géographique, entre l’Inde et le Tibet, sa partie himalayenne, avec à sa droite le Bouthan, plus connu pour la vision utopique des années 60 et 70: Katmandou, le pays de rêve pour des générations de hippies, connu pour le fort impact de la religion Bouddhiste ainsi que pour la rage destructrice de ses tremblements de terre et autres catastrophes naturelles. Mais, de nos jours, le Népal s’est ouvert à l’art du tatouage… et bien plus encore! John Ma est l’un de ces gars qui trouve toujours quelque chose à faire, pour que ça bouge, pour que ça change, dans le bon sens, et pas uniquement pour lui, mais pour beaucoup d’autres. Ouvert d’esprit et travailleur acharné, John Ma nous fait découvrir son travail comme artiste tatoueur, ainsi que sa dévotion et son amour pour ses terres, pour son art, sa culture et pour ses habitants.

Bonjour John. S’il te plait, présentes toi, comme artiste tatoueur et aussi sur tout ce que tu fais.

Namaste! Je suis un artiste tatoueur basé au Népal, je suis connu comme John Ma, mais mon nom entier est John Maharjan. J’ai fondé et je travaille au studio Jads Tattoo Shop, j’ai crée et dirige Nepalinked Tattoo Festival, je suis aussi le fondateur et éditeur de Nepal Inked Magazine, ainsi que le créateur et membre de Metal For Nepal, et pour finir, j’ai monté Gallery One, une galerie d’art ouverte sur des collections à l’internationale. À propos de Nepalinked: il était prévu de faire une première édition en 2012, mais ce fut impossible. Officiellement ce concept démarra avec la Nepalinked Tattoo and Lifestyle Convention en 2013. Ce fut l’une des plus grandes manifestation de tatouage de l’Asie du sud-est. Ce fut une énorme exposition, avec différents artistes venant de différents horizons, tant artistiques que géographiques, très varié artistiquement, avec des shows de voitures et motos vintage, incluant trois jours de musique live des meilleurs groupes népalais, 22 groupes ont joué durant le festival et lors des soirées. Je suppose que le Népal n’était pas prêt pour ce genre d’événement! Ha ha! En 2014, nous avons collaboré avec Silence Festival et ce fut un putain d’event! Nous avons fait une body suspension durant le live de Underside devant un public de 6000 personnes, avec en tête d’affiche Sikth pour le Silence Fest. Du fait du tremblement de terre en 2015, nous avons dut reporté à 2016, où nous avons essayé de le faire différemment, nous l’avons fait en plein air, mais toute la production était beaucoup trop élevée et travailler sur un niveau mainstream et commercial fut trop chaotique et trop chargé par rapport à nos possibilités. Et nous avions finalement réalisé que ce n’était pas ce que nous souhaitions faire. Du fait de la commercialisation du tatouage et de la prolifération des conventions, nous avons décidé de faire une pause et d’aller dans une autre direction. L’équipe de Nepalinked voulant créer un espace alternatif pour plus d’interaction avec les tatoueurs et leurs travaux artistiques. Nous ne nous reconnaissions plus dans toute cette commercialisation et nous souhaitions faire quelque chose plus en accord avec le contexte du Népal, lequel est plus porté sur la nature, les paysages, les aspects spirituels, les traditions… nous désirions apporté plus pour l’art et les artistes, c’est plus porté sur l’amour du tatouage, de l’art. Nous avons décidé de quitter Katmandou et d’amener les visiteurs à un séjour en dehors de la capitale. En revisitant le concept même de Nepalinked, nous avons vécu une expérience incroyable et étions bien plus motivés pour l’édition de 2017. Nous avons été pas mal critiqué pour faire ce type de festival, mais je peux dire qu’après trois éditions, Nepalinked est une vraie ambiance, une vraie connexion. Alors merci à tous les artistes, à tous les participants, à tous les visiteurs et à toutes les équipes. Tout le monde a vécu et a contribué au mieux sur ces événements. Vous pouvez aussi voir les différentes éditions via youtube: Nepalinked Tattoo Festival / Nepalinked Tattoo and Lifestyle Convention. À propos de Metal For Nepal, ce projet a été initialement commencé comme une idée pour amené le heavy metal et la communauté du tattoo a bosser ensemble sur les crises humanitaires qui se sont déroulées au Népal suite à la pandémie en 2020. Nous voulions aider les travailleurs étrangers qui étaient bloqués sur la frontière entre l’Inde et le Népal, sans eau ni nourriture. À partir de là, nous avons adapté notre travail et agissions quand nécessaire. Nous avons amené des repas chauds pour les ouvriers à Katmandou sur une période de six mois, donné des rations alimentaires pour les défavorisés à travers le Népal, nous avons aidé les communautés indigènes du Népal comme les Chepang et les Tharu avec des rations alimentaires mensuelles, ces peuples font partis des communautés les plus démunies du Népal. Puis, nous avons bougé pour aider les victimes des inondations et avons travaillé avec des organisations locales sur toutes sortes d’initiatives possibles. Notre collaboration avec Hami Nepal au Manang a fait que cette région, le Manang, est la première à être entièrement vaccinée. Après ça, nous nous sommes investis comme organisation pour répondre à des crises humanitaires de manière fiable et durable et nous avons focalisé principalement sur les enfants, leur bien-être, leur protection et l’accès à l’éducation. Depuis, nous avons lancé une campagne appelée « Warm Smiles » (les sourires chauds) avec laquelle nous avons atteint les régions les plus inaccessibles de l’Himalaya du Népal et apportons des vêtements chauds pour les enfants les plus désavantagés et pauvres pour affronter les hivers redoutablement froids de ces régions. Notre but étant de faire en sorte que les enfants soient assez couverts pour qu’ils puissent continuer d’aller à l’école. Jusqu’à présent, nous sommes parvenus aux régions du Dolpa, du Humla et du Manaslu et avons amené des vêtements chauds pour plus de 2000 enfants. Notre prochain projet « And Computer For all » (Et des Ordinateurs Pour Tous) sera de donner des ordinateurs aux enfants de ces écoles éloignées afin qu’ils s’y habituent et qu’ils puissent avoir accès à internet et au Monde. Nous nous engageons afin d’être sûrs que les enfants de ces régions difficiles d’accès aurons les mêmes chances de recevoir une éducation, comme tous les autres enfants du globe.

Qu’est ce qui t’a amené à devenir tatoueur, comment ont été tes débuts?

Ça a commencé pour le fun, je me suis construit une machine, avec de l’équipement venant de matériel dentaire et j’ai commencé en essayant sur mes potes, les mêmes qui m’ont fourni le matou pour faire cette machine. Depuis ce temps c’est dans le même esprit, je suis autodidacte. Du fait que je fasse partie d’une ethnie de la vallée de Katmandou, le tatouage fait partie de notre culture depuis toujours, même ma grand-mère porte un tatouage qui lui prend toute une jambe, les tatouages de ces générations là étaient des parures de beauté et la plupart des ethnies sont imprégnées de cette culture du tatouage. Je n’avais jamais pensé alors, à l’époque de mes débuts, que le tatouage pouvait devenir une profession, ce n’est pas le meilleur boulot que tu puisses prendre en référence à ce que l’on t’apprend à l’école. Je suis « entré » dans le tattoo très jeune, j’ai été chanceux de connaître cette forme d’art et l’amour de cet artisanat m’a poussé à continuer. Maintenant, c’est plus une passion qu’un boulot.

Depuis quand tatoues tu? Comment furent les débuts ici au Népal? Comment ça ce passait avec tes premiers clients et sur le fait d’ouvrir un tattoo shop?

J’ai commencé en 2000, j’avais seulement quinze ans.Depuis, 2002 je tatoue à plein temps. Il y avait seulement deux shops à cette période qui survivaient durement. Nous n’y connaissions rien, pas d’accès à internet, nous n’avions que quelques magazines que nous nous procurions par pure chance et la plupart étaient de bonnes influences à ce moment là. Nous faisions principalement des tatouages tribal, des coeurs transpercés d’une flèche, des crânes avec des poignards, des toiles d’araignées, ce genre de motifs… ceux là même que de nos jours nous appelons jail break tattoos (les tatouages de prisons) ha ha! Et nous n’avions pas accès à du bon matériel de tatouage, c’était difficile ne serait que d’avoir de l’encre, nous utilisions alors les encres de Chine et celles utilisées pour le dessin et les arts graphiques. Après l’arrivée d’internet, les choses ont changé très vite et sont devenus plus simples, la première chose ça a été de nous approvisionner en matériel de tatouage de qualité. Et même alors, on ne pouvait payer à partir du Népal, nous devions attendre que quelqu’un vienne de l’extérieur avec ce matériel. Puis plus tard, quelques tattoo shops vendaient du matériel mais à un prix exorbitant. Ensuite, les conventions ici au Népal nous ont permis de faire bons échanges, et tout a changé, maintenant on peut dire que le tatouage Népalais est d’un bon niveau et fait parti de la carte du tatouage à l’échelle globale. En 2007, j’ai ouvert mon studio Jads Tattoo. Même à cette période, il y avait peu de salons de tatouage, on pouvait les compter sur les doigts d’une main. J’ai toujours voulu travailler mon propre style, mais à ce moment, la clientèle entrait dans un studio pour regarder les books, choisir un motif et se le faire tatouer. Au début, c’était vraiment dur pour moi d’avoir une clientèle car les gens ne voulaient que des motifs venant des books.

Comment les autorités Népalaises voyaient le tatouages à tes débuts de jeune tatoueur? Comment est-ce de nos jours?

À une époque de globalisation, les gens oublient leurs origines ethniques et leurs cultures. Alors, le tatouage est devenu plus connu en prison, avec les prostituées, les défoncés… les gens pensent plus que les personnes qui se font tatouer ne sont que des junkies ou de mauvaises personnes. Suite à des décennies d’idées mal reçues, le tatouage a mauvaise réputation. Dans notre société moderne, le tatouage n’a pas été accepté comme une véritable profession, même dans ma famille, ils n’ont jamais pris ça au sérieux. J’aurais aimé qu’ils me soutiennent plus. Mais depuis ces dix dernières années, c’est mieux accepté, le tatouage de nos jours est vraiment devenu célèbre et tout le monde en veut! Merci à tik-tok… ha ha ha!

Qu’est ce qui t’apporte de l’inspiration, au sein même du tatouage et en dehors de celui-ci?

Je suis principalement inspiré par tout ce qui m’entoure. Et, bien sûr, je suis beaucoup inspiré par la nature. La vallée de Katmandou est pleine d’art votif, d’artisanat et d’art ancien. Nous sommes entourés de culture et de traditions. Pour l’art et pour le tatouage, je suis bien sûr inspiré par beaucoup d’artiste, je ne peux les citer tous.

As tu bougé dans d’autres pays? Quel sont les personnes que tu as rencontré et avec lesquelles tu as travaillé durant tes voyages?

Je n’avais pas de plans pour aller et rester suffisamment longtemps dans d’autres pays. Mais j’ai été à pas mal de conventions dans différents pays, je pense que j’ai alors vu et rencontré parmi les meilleurs des artistes venant de partout dans le Monde.

Comment est la situation sanitaire au Népal, du fait de la pandémie? Qu’en est il de la pratique du tatouage? Est-ce que la pandémie a beaucoup changé votre façj de travailler?

Je pense que les tatoueurs sont les personnes les plus soignées en termes d’hygiène que toutes les autres au Népal! Ha ha! La plupart des artistes exécutent leur travail dans de bonnes conditions d’hygiène et de sûreté. Du fait de la pandémie, le gouvernement a mis des mesures d’interdiction du tatouage pendant un bon moment. Maintenant les gens le prennent plus légèrement. La pandémie a fait changer beaucoup de choses, pas mal de tatoueurs ont dû fermer leur studio à cause du loyer à payer et pas assez de boulot. Plus de voyages, plus de touristes. La seule chose que nous pouvons faire, c’est de travailler dans de bonnes conditions d’hygiène.

Y-a-t-il aussi le problème des encres utilisés par les tatoueurs au Népal? Est ce que les autorités Népalaises ont fait une campagne à propos de ces encres devenus interdites?

Partout dans le Monde ce sont les mêmes marque d’encres et de matériel de tatouage, alors, ce n’est pas un problème. Nous n’avons pas d’autorités compétentes et de lois à propos du tatouage, mais la plupart d’entre nous, les tatoueurs, nous parlons entre nous de ce type de problèmes.

Qu’est ce qui t’a décidé à monter Nepalinked?

C’était pour que notre communauté puisse grandir, apprendre et s’améliorer. Voir le tatouage du Népal sur la carte mondiale et créer une plateforme pour les artistes tout comme créer l’un des plus grands événements tattoo en Asie du Sud-Est, mais plus tard Nepalinked a modifié sa vision et est devenu plus un event pour les artiste et pour l’art plutôt que le modèle de festival. Après avoir travailler sur ce projet pendant dix ans, nous avons des histoires à raconter, à propos des circonstances, du dur travail effectué, des hauts et des bas, des conflits, des situations politiques, des autorités, ce n’était pas évident de démarrer et de garder un projet comme celui ci dans un pays comme le Népal. Nous sommes extrêmement chanceux d’avoir rencontré tous ces incroyables artistes ici au Népal. C’est merveilleux d’avoir eut toutes ces superbes personnes venant de partout dans le Monde réunies au Nepalinked Tattoo. Nous sommes si reconnaissants à la grande famille internationale du tatouage.

Quelle a été la réaction du public Népalais à propos de la convention?

Les gens se sont amusés. Ici on aime voir les personnes tatouées. Ça a parmi de changer les perceptions sur le tatouage et sur les tatoueurs. Ça été apprécié de tous bords.

Quels sont les tatouages que tu préfères réaliser et pourquoi?

J’aime faire tous styles de tatouages, qui est une grande et riche forme d’art. Je me considère extrêmement chanceux de connaître et de pratiquer cet art.

Dis nous en plus sur tes activités en dehors du tatouage, comme la peinture, la musique… quoi d’autre?

Depuis gamin, je suis dans l’esprit du Do It Yourself (DIY: tout faire par soi-même). Notre génération ici au Népal est de celle qui fabriquait nos propres jouets! Ha ha! Donc, depuis tout petit déjà, je suis dans une forme artisanale. Je travaille le bois, la gravure et fais quelques meubles en bois, j’aime aussi bosser sur des lumières, des lampes, c’est récent pour moi et je m’y investi. Faire du design d’intérieur. J’aime faire de aquascaping (création de paysages aquatiques), j’ai des plans qui se profilent pour apprendre plus et travailler plus sur l’aquaponique (méthode de culture de poissons et de plantes dans un même système naturellement autogéré). Je suis toujours en train de créer quelque chose autant dans la peinture, le tattoo, l’artisanat, ou le jardinage, être fermier c’est dans mes gènes. J’aime sortir en pleine nature et camper. J’aimerais être capable de jouer de la musique, j’en écoute beaucoup. Et bien sûr, travailler sur des projets pour assurer le meilleur aux gosses des milieux ruraux et isolés du Népal.

Nous arrivons à la fin de cette interview, as tu quelque chose à rajouter? À toi de jouer!

J’aimerais en dire plus à propos de Metal For Nepal. C’est réellement un exemple de ce qui peut se passer quand des personnes s’unissent pour une cause. Nous sommes maintenant pleinement dans les registres de charité au Royaume-Uni et c’est juste incroyable de voir comment une idée peut se transformer dans une plaque tournante, un pont, pour le heavy metal et la scène tattoo. Tout comme MFN fait un travail incroyable pour les personnes démunies au Népal, nous arrivons à casser de manière égale les barrières de stéréotype et de stigmate autour des gens venant du metal et du tatouage ici au Népal. Nous redéfinissons la culture tattoo et metal par un autre biais - un espoir pour des changements sociaux et pour un passage positif dans la perspective d’une société. N’oublions pas qu’il y a quelques années à peine, on pouvait se faire arrêter pour avoir les cheveux longs et être tatoué dans les rues de Katmandou. Metal For Nepal est un signe de défi dans ses propres droits et dans nos profondes racines d’attitude de rebellion envers les injustices et les discriminations qui existent dans notre société. Venez rejoindre cette force d’amour et de compassion et changer des vies. Il existe plusieurs moyens de nous aider. Si vous êtes un artiste, vous pouvez faire une don de votre art, une de vos peintures ou illustrations deviendrait un motif cool pour notre merch, plutôt que de ne faire que des donations. Nous encourageons les gens à acheter nos goodies et autre forme artistique sur notre site. Ce mode permet d’avoir des fonds notre cause et permet une vitrine pour tous les artistes et les personnes qui nous soutiennent, ils peuvent ainsi avoir de vraiment cools et uniques goodies et en même temps avoir ce sentiment incroyable que leur argent sert une cause. Pour plus d’infos sur notre travail, venez voir notre site, nos sites. Merci. Youtube: Metal For Nepal www.metalfornepal.org www.jadstattoo.com.np www.nepalinked.com