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Egon Weissberger

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INTERVIEW EGON WEISSBERGER

@pascalbagot

Spécialisé dans le réalisme, Egon Weissberger s’est fait connaître pour la redoutable précision de ses créations. Un sens du détail qu’il contraste de manière radicale avec des effets de flou volontaires empruntés au medium de la photographie – une de ses passions. Un flou artistique qui, en plus d’apporter profondeur et lisibilité à ses pièces, s’est imposé comme la signature du tatoueur de Périgueux.

Salut Egon, ça commence comment le tattoo pour toi?

Salut Pascal, depuis tout petit je suis intrigué par l’art, cela s’est fait en partie par l’intermédiaire de mon oncle qui était peintre. J’ai été très vite intéressé par le monde du tatouage, qui m’impressionnait en même temps qu’il m’intriguait. Je me suis rapidement fait percer, tatouer, mais sans penser que j’allais devenir un jour tatoueur!

Quand vient l’idée d’en faire ton métier ?

Le début de l’aventure commence en 2010, avec la proposition que me fait le tatoueur d’un shop où je traînais beaucoup de percer et de tatouer dans sa petite boutique Toulousaine. Je fais finalement mon premier tatouage début 2013 et, très vite, j’ai la chance de rejoindre le studio La Cour des Miracles (Toulouse), auprès de Piero et d’une dizaine de super artistes, grâce auxquels j’apprends beaucoup et j’évolue.

Tu as tout de suite fait du réalisme ?

Non, je commence vers 2016. Mais le réalisme m’a toujours impressionné. Cela vient sans doute de l’enfance, une période pendant laquelle j’aime reproduire et dessiner mes chanteurs, acteurs et mangas préférés.

Se spécialiser c’est indispensable quand on veut s’améliorer?

Je pense que oui. On peut être bon dans plusieurs domaines, mais on ne peut pas exceller en tout – il y a bien sûr des exceptions comme Victor Chill, mais je le suspecte d’avoir vendu son âme au diable -. Avant d’essayer le réalisme, je me suis intéressé à tous les styles. Tous peuvent nous apprendre quelque chose : le mouvement et les positionnements dans le cas du japonais ; les noirs et les couleurs compactes dans le old school ; le dessin et les compositions pour le New School. J’ai eu la chance d’apprendre avec des tatoueurs de chaque style. Mais la technique ne fait pas tout. S’il est important de se spécialiser je pense aussi qu’il est avant cela nécessaire d’avoir un maximum de connaissances et de compétences, sur le placement, la composition par exemple. C’est l’ensemble de celles-ci qui fait en fin de compte un beau tatouage.

Tu nous parles de ta culture graphique ?

Comme beaucoup j’ai grandi en étant fan de mangas et de jeux vidéo. Cela m'a très vite donné envie de reproduire mes personnages préférés. Je suis un passionné d’art japonais, sous toutes ces formes, bien que cela ne se traduise pas dans mes tatouages. Et puis, évidemment, j’adore la photographie, elle permet d'immortaliser des moments et de capturer des émotions.

Tu utilises d’ailleurs le flou dans tes tattoos, une notion très photographique.

Effectivement, c’est une chose que j’exploite beaucoup et de plus en plus dans mes tatouages. C’est un peu devenu ma signature. Je me suis beaucoup inspiré du style macro qui apporte une perspective et une profondeur de champs que je trouve très intéressantes. Je passe beaucoup de temps à regarder des photographies afin de comprendre jusqu’où on peut aller dans ce registre. Malgré tout, cela n’a pas été facile à traduire dans un tatouage, car le flou peut vite donner l’impression qu’une partie du travail a été bâclée ou mal réalisée.

Avec quelles références travailles-tu ?

Essentiellement des photographies que je cherche sur des sites de photographe spécialisé. J’essaie ensuite de les modifier et de les mélanger afin de créer un projet unique pour chacun de mes clients. Je suis toujours à la recherche de la photo que personne n’a tatouée. À mes débuts, j’ai été inspiré par certains tatoueurs réalistes comme - pour ne citer que les Français - : Manu Badet, Manu Durant, Mickael Taguet, Thomas Cali-Jarlier et évidemment Eliot Kohek.

Tu travailles presque exclusivement en noir et blanc, pourquoi?

Malheureusement, parce que l’on ne me demande pas souvent de réaliser des projets en couleur. J’aime pourtant beaucoup travailler la couleur, elle permet d’exploiter plus d’émotions, de faciliter l’utilisation des lumières, de donner du contraste. Mais je resterai toujours un amoureux du noir et blanc. Plus sobre, plus élégant, il demande plus de réflexion pour faire ressortir les lumières, les émotions et la vie.

Quand tu dessines tes projets, tu te fixes des limites en pensant à la réalisation ?

Oui, absolument, surtout en ce qui concerne le vieillissement du tatouage. J’essaie pour cela d’avoir des contrastes très marqués avec de bons aplats de noir et de larges zones de blanc. Suffisamment prononcés, ils préserveront la lisibilité du tatouage dans le futur. En ce qui concerne les textures et les détails, je sais qu’ils ne resteront pas, mais je les utilise pour donner du caractère au tatouage.

Où est l’équilibre entre l’envie de repousser les limites et la réalité du vieillissement d’un tatouage ?

Pour moi, la question ne se pose pas. J’essaie de toujours penser au vieillissement, même si j’ai conscience que le tatouage changera par rapport au premier jour de la réalisation. L’évasement des lignes, l’affaiblissement des couleurs, ce sont des problèmes communs à tous les styles de tatouage. J’explique à chacun de mes clients qu’il faut protéger sa peau du soleil car cela a une importance majeure dans la préservation du tatouage. Une peau bien entretenue (hydratation et protection) est également nécessaire au bon vieillissement. La peau est le support du tatouage comme le papier est celui d’un dessin. S’il est froissé ou négligé, le dessin perdra en qualité. C’est le même principe pour un tatouage. J’ai conscience par ailleurs que le réalisme à mauvaise presse. Il ne faut pas faire des abus de certains tatoueurs une généralité. Certains des tatoueurs que j’ai cités plus haut exerce le réalisme depuis environ 20 ans et nous ont prouvé à de maintes reprises qu’un travail bien exécuté ainsi qu’une peau bien entretenue donnaient de très bons résultats, malgré les années.

Plus de détails c’est aussi plus de temps et de douleur pour le client. C’est un paramètre que tu prends en compte ?

Non, la douleur n’est pas un paramètre que je prends en compte lors de la création du projet. J’essaie en revanche de faire le moins mal possible à mes clients quand j’applique les aplats de noirs et les blancs (étapes plus douloureuses, en comparaison avec celles des textures et des détails) car si c’est trop douloureux, il y a des chances qu’ils n’aillent pas jusqu’au bout et, dans ce cas, personne n’est gagnant. Heureusement, c’est très rare.

Le travail du tatoueur c’est de refléter ce que veut son client dans son tatouage. Comment trouves-tu l’équilibre entre ta satisfaction artistique et son désir ?

J’ai deux types de clientèle : des clients avec des projets personnels (portraits d’animaux de compagnie, portraits de famille, tatouages commémoratifs) à qui je n’impose pas de charte graphique, tout en gardant mon identité artistique et ma technique. Ensuite, en majorité, j’ai les passionnés, les collectionneurs, ceux qui n’ont pas d’idée précise ou qui viennent avec des tatouages vus sur Instagram. À eux, je leur demande de me donner un thème et une liberté maximale pour créer un projet unique et éviter de tomber dans le tatouage Pinterest.

Plutôt petites ou grandes pièces ?

Évidemment grosses pièces. Je ne l’ai pas dit plus haut mais, plus le tatouage est gros, plus les textures sont espacées, plus les contrastes et les aplats marqués et mieux le tatouage vieillira. Je pense qu’il est temps de dire adieu au micro réalisme et autre tiny tattoo. + IG : @egon_weiss Studio Les Vauriens 7-9 rue André Saigne, passage sainte Cécile 24 000 Perigueux IG : @les_vauriens