Inkers MAGAZINE - India on the road, part 1

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India on the road, part 1

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Le guide du routard tatoué

( Sous-continent indien )

Un milliard et demi de personnes, des centaines de langues, une multitude de croyances et de religions, de climats, de géographies, de cultures et de politiques : bienvenue dans le sous-continent indien, un tourbillon d'idées et de couleurs, de saveurs et d'odeurs et probablement l'endroit le plus visuellement stimulant au monde. Depuis la nuit des temps, l'Inde se tatoue. Nous avons slalomé entre les tatoueurs de rue du temple de Madurai, a rencontré des militants politiques prêts à se faire tatouer le visage de leur championne, a découvert le plus grand centre de tatouage du monde dans un parking souterrain de New Delhi, a arpenté les marchés de l'est de l'Inde tenus par de fières femmes arborant des tatouages faciaux, a fêté le Ramadan à Bombay avec les artistes Sameer Patange et Eric Jason D'Souza et a documenté les débuts de la scène sri lankaise au milieu de la jungle. Text and photos : Laure Siegel & Tom Vater

Contes de la rue La vaste population de l'Inde se fait tatouer dans la rue pour une poignée de roupies ou lors de grands événements religieux, politiques ou culturels. Mais l'offre à destination des plus aisés s'élargit depuis quelques années. Dans les grandes villes comme Bombay, Pune, de jeunes artistes investissent dans des shops ultra-modernes, tandis que des conventions internationales de tatouage attirent les foules à Katmandou, Goa et Delhi. Entre ces deux extrêmes, la classe moyenne émergente se fait piquer dans des boui-boui qui prolifèrent dans les sous-sols des centres commerciaux, un phénomène qui a accompagné plus ou moins gracieusement l'explosion du tatouage contemporain en Inde.

Chapitre 1 - Street tattoo à la sortie du temple Texte et photos : Tom Vater / Traduction : Laure Siegel Chaque jour, des milliers de fidèles viennent prier au Meenakshi Amman, le temple hindou le plus important de Madurai, grande ville du Tamil Nadu au sud de l'Inde. Autour de l'édifice coloré, un marché festif prend place tous les matins : produits domestiques, jouets, vêtements, souvenirs religieux, snacks et bonbons, coeurs en plastique, tout est disponible au mela quotidien.

Juste devant la porte principale du temple, une famille de tatoueurs itinérants a répandu sur le trottoir ses tampons en bois sculptés à la main : icônes religieuses, motifs tribaux, emblèmes de partis politiques, visages d'acteurs et de sportifs. Les tatoueurs de rue font partie d'une communauté nomade qui peut être assimilée aux gitans du sous-continent. Dans les campagnes, ils exercent encore la profession de charmeur de serpent et vont de village en village offrir leurs spectacles.

Le jeune marié Navaneetha veut se faire tatouer le nom de sa femme, Jothi, sur la poitrine. Il est accompagné par ladite Jothi, venue apporter son soutien moral. Cinemaguru, son frère Jagannath et son cousin Cinemani, travaillent sur les trottoirs du pays depuis des années. Au stand d'à-coté, la sœur de Cinemaguru propose des menhdi, tatouages temporaires ornementaux au henné. Traditionnellement obtenus à partir d'une pâte végétale, ils sont de plus en plus composés de colorants chimiques qui brûlent la peau mais restent incontournables pour être la plus belle pour aller danser aux mariages.

Le client et l'artiste s'accordent sur un prix de cinquante roupies (70 centimes d'euros) et Cinemaguru prépare son équipement : une aiguille tâchée alimentée par une batterie de moto, à l'abri dans un sac plastique, et une bouteille d'encre noire, achetée dans un magasin de fournitures de bureau. Navaneetha ne demande pas une nouvelle aiguille et Cinemaguru n'en offre pas.

Les dermatologues et tatoueurs qui travaillent dans des shops aux standards internationaux déplorent l'existence de stands tels que celui de Cinemaguru. Le manque d'hygiène présente un fort risque de contracter un certain nombre d'infections cutanées ainsi que le trio infernal hépatite B - tétanos - VIH. Mais la grande majorité de la population peut seulement se permettre de consacrer quelques dizaines de roupies pour un tatouage et tant que le prix de départ d'une pièce dans un shop décent sera de 1500 roupies (20 euros) et que les Indiens gagneront un salaire moyen de 9000 roupies (125 euros), les tatoueurs de rue auront encore de beaux jours devant eux.

Cinq minutes plus tard, Cinemaguru a fini, Navaneetha est extatique et Jothi soulagée. Cinemaguru applique de l'huile de coco avec un chiffon sale sur la plaie et se prépare pour son prochain client. "Mes tatouages sont populaires car ils sont bon marché et j'ai beaucoup de motifs disponibles. C'est le seul moyen d'expression personnelle pour les pauvres" conclut t-il. Text and photos : Laure Siegel & Tom Vater